vendredi 8 avril 2022

Tirons des fils de l'empathie en lien avec la bienveillance - Partie 1



Un échange avec un ami sur un cas pratique de problématique d'empathie dans son entourage m'a inspiré le présent article qui lui est dédié (en tant que grille d'analyse et support pour interagir avec l'entourage en question). Le sujet m'a semblé suffisamment générique pour le partager avec le plus grand nombre.

Il nous arrive de croiser des personnes ou d'avoir dans notre entourage des personnes dont le manque d'empathie à nos yeux est flagrant, avec la tentation de leur accoler virtuellement l'étiquette "manque d'empathie" dans nos pensées et dans nos propos.


Problématique d'empathie : cheminer de l'inconditionnel vers le conditionnel, en nuance

Le moins bienveillant que l'on puisse faire envers une personne, c'est de la réduire à ce que l'on juge être un défaut, une tare, voire une monstruosité, ... alors qu'à côté, bien évidemment, elle a des qualités ou tout au moins des caractéristiques, des comportements neutres ou bienfaisants. "C'est un égoïste !", "Tu es un monstre !", "Elle est blonde !" (dans le sens péjoratif du terme), "On n'en fera jamais rien !", ... voilà des formules qui sentent l'inconditionnel.

En m'aidant de l'échelle de la bienveillance en 3 segments (malveillance, absence de bienveillance et bienveillance) que j'ai mise au point, voici en trois étapes comment on peut essayer d'introduire de la nuance, et notamment envers des personnes de son entourage, de son voisinage quand on a le désir d'améliorer, de réguler la relation que l'on a avec elles :




Savoir faire la part des choses, nuancer, dépasser la lecture de pensées, mettre les ressentiments en sourdine permet de mieux poser la problématique d'empathie, plus justement (en étant plus juste envers la personne) et se donner les moyens de dénouer d'éventuels malentendus et de dialoguer avec la personne pour essayer d'améliorer la relation en mettant en responsabilité chacune des parties.

Empathie and Co

Il est temps maintenant de s'entendre sur le mot empathie et ce qui pourrait constituer une problématique d'empathie, notamment éclairé par ce que je viens d'introduire avec l'échelle de la bienveillance.

Je vais m'appuyer aussi sur le livre référence "Plaidoyer sur l'altruisme - La Force de la Bienveillance" de Matthieu Ricard dans lequel il évoque l'empathie et la croise avec la compassion et l'altruisme, et par ailleurs la distingue avec la contagion émotionnelle.

Voici un extrait de son blog :

"L’empathie peut être déclenchée par une perception affective du ressenti de l’autre ou par l’imagination cognitive de son vécu. Dans les deux cas, la personne fait clairement la distinction entre son ressenti et celui d’autrui, à la différence de la contagion émotionnelle durant laquelle cette différenciation est plus floue.

L’empathie affective survient donc spontanément lorsque nous entrons en résonance avec la situation et les sentiments d’une autre personne, avec les émotions qui se manifestent par ses expressions faciales, son regard, le ton de sa voix et son comportement.

La dimension cognitive de l’empathie naît en évoquant mentalement une expérience vécue par autrui, soit en imaginant ce qu’elle ressent et la manière dont son expérience l’affecte, soit en imaginant ce que nous ressentirions à sa place.

L’empathie peut conduire à une motivation altruiste, mais elle peut aussi, quand on se trouve confronté aux souffrances d’autrui, engendrer un sentiment de détresse et d’évitement qui incite à se replier sur soi-même ou à se détourner des souffrances dont on est témoin. "

Certains utilisent la formulation "se mettre à la place", mais il s'agit de bien s'entendre sur la façon de se mettre à la place. En effet, il est facile de voir autour de nous des personnes qui se mettent à la place d'autrui pour mieux leur imposer leur façon de voir les choses. Il s'agit du fameux "Moi, à ta place, j'aurais fait (je ferais) ..." ... possiblement suivi de "pourquoi tu ne l'as pas fait (ne le fais pas) ?"

Matthieu Ricard évoque dans son livre l'idée de se mettre à la place de. Selon lui "Pour être concerné par le sort d'autrui, il est essentiel de considérer attentivement sa situation, d'adopter son point de vue et de se rendre compte de ce que l'on ressentirait si l'on se trouvait soi-même dans cette situation".

En cela, il fait référence à trois grands sujets de résonance qui s'intègrent dans un processus situation --> pensées --> émotions :

  • la situation,
  • les pensées suscitées par la situation,
  • les émotions déclenchées par les pensées.
Un processus sur lequel je me suis appuyé pour considérer des cercles vertueux et vicieux en terme de bienveillance (cf schéma ci-dessous).


Ces sujets constituant selon moi 5 portes d'entrée de l'empathie en ajoutant l'observation de la situation et les comportements induits par les émotions : 
  • j'observe son comportement et les éventuels changements de comportement dans le temps. C'est par exemple ce qui permet de mieux saisir un processus de burnout dans lequel l'autre serait engagé. Une forme de résonance consiste à adopter le même comportement, mais l'empathie n'appelle pas à faire forcément comme l'autre, surtout quand le comportement n'est pas bienveillant à soi-même et/ou à autrui.
  • j'observe les émotions d'autrui qui peuvent entrer en résonance avec moi. Avec deux modes de résonance affective attribué à Paul Ekman : il y a la résonnance convergente qui me fait ressentir les mêmes émotions que l'autre (contagion émotionnelle) ; il y a par ailleurs la résonnance divergente qui permet le cas échéant d'interagir en cas d'émotion douloureuse de l'autre avec plus de recul et une émotion plus apte à pouvoir aider et entrer dans un mode constructif. C'est le cas quand notamment pensées et émotions conduiraient à une forme d'impuissance ou une lamentation/rumination en boucle.
  • je me mets en résonance avec sa façon de penser qui s'est traduite peut-être à travers ses mots. Entrer en résonance ne veut pas dire forcément être d'accord. En effet, on peut entrer en résonance en essayant d'écouter de manière active, de comprendre, de faire clarifier, à repérer des croyances négatives et biais cognitifs, à chercher des voies à l'accès de pensées alternatives plus justes et plus constructives, ...
  • je me mets en résonance avec sa façon d'observer, de filtrer les éléments de la situation. Une situation qui peut s'observer de différents points de vue, et pour bien comprendre l'autre, il s'agit de se mettre à son point d'observation, et aussi d'essayer de trouver d'autres points d'observation afin d'avoir une vision plus complète et plus juste.
  • je m'imagine dans la situation que l'autre est en train de vivre. Ou alors, je l'observe ou j'entre dedans pour la vivre plus ou moins. Et reste à savoir ensuite, si je m'arrête à la compréhension de cette situation ou si je la vis en imagination ou in situ à travers mes propres pensées et mes propres émotions qui peuvent le cas échéant différer des siennes. Et si c'est le cas, comment je gère cette différence ? Et là il y a bien un piège dans lequel ne pas tomber : celui évoqué précédemment "Moi, à ta place ...", et notamment si je me projette sans problème dans la situation : je risque de déconsidérer, délégitimiser l'autre dans ses difficultés à vivre cette situation. Inversement, si je vois de manière beaucoup plus intense la situation que l'autre, je risque à la fois de souffrir plus que lui-même, voire même de souffrir à sa place, et à la fois de m'agacer que l'autre ne souffre pas ou ne soit pas atteint comme moi.
Voici un schéma de ma conception explicitant un certain nombre de façons d'envisager l'attention, l'empathie envers autrui :

Suite de l'article : Partie 2.


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