
Le Hêtre de la Bienveillance, dans la Forêt décrit la structure de la bienveillance. la Spirale de la maturation de la bienveillance décrit comment on apprend à l’habiter et à la faire vivre.
La bienveillance n'est ni un simple concept moral, ni un état statique. Elle est un processus de maturation vivant, une force qui prend racine dans notre biologie pour rayonner vers le collectif. Dans un monde en pleine mutation (crises écologiques, sociales, citoyennes), ce mouvement est la clé pour transformer notre impuissance solitaire en une puissance d’agir durable.
Un cheminement propre à chacun
Nous sommes tous bienveillants, parfois sans le savoir, à la manière de Monsieur Jourdain faisant de la prose. Chacun possède son propre point de départ, et notre niveau de maturité peut varier d'une sphère de vie à l'autre (professionnelle, familiale, citoyenne). L'essentiel n'est pas d'atteindre une perfection théorique, mais de cheminer et de faire grandir sa capacité de rayonnement.
Voici un schéma représentant les 3 étapes de la spirale (ou cercle vertueux) avec 3 étapes et 3 seuils :
L’éveil du Hêtre de la Bienveillance : Le seuil de la curiosité
Tout commence par le Seuil 0 : La Curiosité. C'est l'étincelle qui nous fait sortir du déni face aux enjeux du monde. En franchissant ce seuil, nous entrons dans l'Étape 1 : Connaître et Comprendre.
Ici, nous découvrons le Hêtre tout entier. Certes, la primauté des racines (notamment la biologie du Système Nerveux Autonome - SNA) est une innovation majeure de la vision de la Bienveillance, mais l'étape 1 embrasse toutes les composantes : l'éthique (le Tronc), les postures (les Branches) et les capacités d'action (les Feuilles) et les dynamiques (les Fruits). C'est la découverte de notre architecture complète avant de commencer à l'habiter. C'est le passage vers une bienveillance consciente.
Du Savoir à la Lucidité : Le prisme du Hêtre et la lecture du Corps
La maturation s'accélère au Seuil 1 : Le Prisme. Nous décidons d'utiliser le Hêtre comme une grille de lecture permanente du réel. C'est l'Étape 2 : Prendre conscience et Reconnaître.
À ce stade, nous développons une compétence clé : la capacité à lire l'état de notre système nerveux (et de celui des autres) en temps réel. Grâce aux outils de la Théorie Polyvagale, nous diagnostiquons si nous sommes en état de sécurité et connexion (Vagal Ventral), de lutte/fuite (Sympathique) ou de figement (Vagal Dorsal). En regardant chaque situation à travers ce prisme, nous devenons lucides : nous ne subissons plus la complexité, nous apprenons à la décoder biologiquement pour savoir précisément quel levier actionner.
Cette lucidité nous permet d'ajuster notre posture pour viser une bienveillance de plus en plus juste et intègre.
Le saut de l'engagement : franchir la porte
Le moment le plus critique survient au seuil de l'action. Face à l'urgence, le risque d'Impuissance Solitaire est maximal. Notre biologie, si elle est perçue comme menacée, peut nous pousser au figement.
Franchir le Seuil 2 : L'Engagement, c'est décider que l'émotion sera une énergie de mouvement (cf page L'émotion transformatrice au carrefour de la Bienveillance). C'est là que la bienveillance devient vivante. En choisissant la Puissance Coopérative — car ce qui est hors de portée seul devient possible ensemble — nous passons à l'Étape 3 : Agir et Réguler. Nous incarnons alors le changement par une régulation concrète biologique (3R-SABA), ramenant la sécurité là où régnait le chaos. Au-delà de nourrir notre cerveau, se conjuguent une grande variété de manifestations de la bienveillance dans la façon d’observer, de penser, de ressentir, de prendre des décisions, de s’exprimer et d’agir (Processus en 6 verbes).
Une Spirale Rayonnante et Régénérative
À chaque tour, l'action produit des fruits qui rayonnent. Une action bienveillante et ajustée devient inspirante. Par la sécurité qu'elle dégage, elle réveille chez les autres une nouvelle curiosité, relançant ainsi le cycle. La bienveillance devient alors régénérative : elle restaure le capital nerveux des individus, redonne du sens à l'engagement citoyen et notre relation au vivant.
Une croissance par degrés : vers le rayonnement
Chaque tour de spirale nous fait progresser à travers les 5 degrés de maturité de la bienveillance. Ces degrés sont des compétences interdépendantes qui se musclent avec l'expérience :
- Bienveillance Réglementaire : Respecter les cadres réglementaires et les règles de politesse.
- Bienveillance Aimable : Agir avec courtoisie et attention à l'autre.
- Bienveillance Aimante : Être touché par l'autre et agir avec empathie.
- Bienveillance Juste et Intègre : Allier l'émotion à la lucidité du "Prisme", en respectant ses propres limites et ses valeurs, et en faisant preuve de courage et de non-violence face aux accrocs de bienveillance relationnels et sociétaux.
- Bienveillance Rayonnante : L'action devient régénérative ; elle inspire, sécurise et suscite naturellement la curiosité chez autrui, relançant ainsi la spirale pour le collectif.
La bonne compréhension de ces degrés de maturité nécessite les précisions suivantes :
- Une même personne peut manifester différents niveaux de bienveillance selon les contextes, les sphères de vie, les relations et son état de sécurité du moment.
- Les cinq degrés de maturité ne sont pas des marches à gravir une fois pour toutes, mais des compétences vivantes qui se renforcent, se combinent et se rééquilibrent à chaque tour de la spirale.
Conclusion
Cette spirale propose une vision évolutionnaire, inclusive et non élitiste de la bienveillance.
Le cheminement de la bienveillance ne progresse pas par accumulation de connaissances, mais par la capacité à décoder le vivant ici et maintenant et à agir avec justesse, dans l’humilité et la coopération.
À la lumière de la structure du Hêtre de la Bienveillance et des trois étapes de la spirale de maturation, l’engagement n’apparaît plus comme une vertu morale à activer par motivation ou par obligation. Il devient une sortie biologique du blocage, rendue possible par la sécurité et par le lien.
En reliant les modèles de la psychologie de la santé à la réalité biologique, cette modélisation montre que la transition écologique et sociale est indissociable d’une transition intérieure. Sortir de l’impuissance n’est pas un acte de force brute, mais une succession de choix conscients qui respectent le vivant en nous, pour mieux servir le vivant autour de nous.
C’est ainsi que la bienveillance cesse d’être une simple posture pour devenir un système d’exploitation de la transformation globale, capable d’essaimer et de régénérer nos environnements humains et autres qu’humains, un tour de spirale après l’autre.
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Pour aller plus loin : Fondements Théoriques et Scientifiques
1. La Théorie Polyvagale (Stephen Porges)
Au cœur de l'Étape 2, elle permet de passer du ressenti vague au diagnostic précis des états nerveux. Comprendre la hiérarchie du SNA est essentiel pour choisir la bonne stratégie de régulation à l'Étape 3.
2. La Biologie et l'Inhibition (Henri Laborit)
Le modèle reconnaît la primauté du SNA comme socle de l'action. L'Inhibition de l'action (Laborit) explique le blocage au Seuil 2. La bienveillance est la stratégie pour libérer cette puissance d'agir par le retour à la sécurité.
3. Les Processus de Changement (HAPA & Prochaska)
- Modèle HAPA (Ralf Schwarzer) : Il valide la séparation entre la phase de motivation (Étapes 1 et 2) et la phase de volition (Étape 3). Le Seuil 2 est le passage de l'intention à la planification.
- Modèle Transthéorique (Prochaska & DiClemente) : Il décrit les stades de changement, du déni (avant le Seuil 0) à l'action maintenue.
4. Agence et Motivation (Bandura, Ford, Maes)
- Auto-efficacité (Albert Bandura) : Centrale au Seuil 1, c'est la croyance en sa capacité à influencer le monde.
- Systèmes Motivationnels (Ford & Nichols) : Ils expliquent l'articulation entre curiosité et objectifs personnels.
- Health Behavior Goal Model (Maes & Gerhardt) : Aide à gérer des objectifs multiples lors de la phase de régulation (Étape 3).
5. Résilience Collective et Optimisme Appris (Martin Seligman)
Le concept de Puissance Coopérative est une réponse directe à l'impuissance apprise théorisée par Martin Seligman. Là où l'individu isolé finit par se résigner face à l'ampleur des crises (écologiques ou sociales), la dynamique de groupe restaure l'espoir et l'agence. La résilience devient collective : elle s'appuie sur le lien social pour réguler les systèmes nerveux individuels et transformer la perception d'un défi insurmontable en un projet commun réalisable.

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