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bref – L'Émotion Transformatrice |
Mon approche de la Bienveillance modélise la bienveillance non pas comme un simple idéal moral, éthique ou de sociabilité, mais comme un processus dynamique et physiologique où l'acte reçu peut devenir un catalyseur de transformation personnelle et de rayonnement social.
Au centre de ce modèle se trouve l'idée d'Émotion Transformatrice.
L’émotion transformatrice est celle qui, lorsqu’on est touché par un acte de bienveillance, ne se contente pas de provoquer un ressenti passager (joie, apaisement, gratitude) et des sensations qui peuvent être intenses, mais ouvre un espace de changement durable :
- Elle modifie notre perception de nous-mêmes et des autres.
- Elle nous incite à réagir et à agir autrement, plus en accord avec la bienveillance.
- Elle devient une source d’énergie régénérative, qui nourrit la réciprocité et le rayonnement.
Caractéristiques de l’émotion transformatrice :
- Intensité : elle touche au cœur, pas seulement à la surface. Elle peut être très intense : faire frissonner, pleurer, donner une impulsion physique, comme l'envie de serrer dans les bras, ...
- Durabilité : elle laisse une trace, quelques fois indélébile, qui influence nos comportements futurs.
- Fécondité : elle engendre de nouvelles attitudes, pratiques ou apprentissages.
- Partageabilité : elle se raconte, se transmet, devient témoignage.
1. La fondation physiologique : au-delà de la conscience
L'impact initial de la bienveillance est inconscient et corporel et fait appel à un mécanisme du Système Nerveux Autonome (SNA) que la Théorie polyvagale appelle la neuroception.
La bienveillance d'autrui, que l'on en soit le bénéficiaire ou le témoin est perçue par le SNA à travers nos sens : sourire, l'écoute, voix douce, gestes doux, toucher respectant la proxémie. La bienveillance est reçue comme un signal de sécurité. Cela active l'état de connexion vagal ventral, régulant le corps et l'esprit. Un SNA apaisé est la condition nécessaire pour être touché. Elle est aussi nécessaire pour rétroagir avec bienveillance. MAIS ELLE N'EST PAS SUFFISANTE, et c'est tout l'objet de l'idée d'émotion transformatrice de considérer qu'une émotion liée à la bienveillance perçue n'est pas forcément transformatrice, et même que bien souvent, elle ne l'est pas.
Donc quand on est réceptif à cette bienveillance et que l'on ressent une émotion, cette émotion peut être qualifiée de "révélatrice" : l'émotion forte qui en résulte (chaleur, sécurité profonde, inspiration) n'est pas une simple "bonne humeur" ; elle est le révélateur de nos besoins et de nos aspirations profondes (nos valeurs).
2. L'émotion transformatrice, porteuse de sens
L'émotion transformatrice est donc reliée à un sens, à nos aspirations profondes.
Pourquoi le sens est décisif
- L’émotion brute : elle peut être intense mais fugace, comme une vague qui se retire.
- L’émotion reliée au sens : elle s’inscrit dans une trajectoire, elle devient une force orientée.
- Lien aux aspirations profondes : quand l’émotion résonne avec ce que nous voulons vraiment incarner (valeurs, vocation, désir de contribution), elle se transforme en moteur durable.
Mécanismes de transformation par le sens
- Nommer : mettre des mots sur l’émotion, reconnaître ce qu’elle dit de soi.
- Relier : voir en quoi elle touche une valeur ou une aspiration (justice, bienveillance, liberté, créativité…).
- Orienter : décider d’un geste, d’une pratique ou d’un engagement qui incarne cette aspiration.
- Ritualiser : donner à l’émotion une place dans un rituel ou une pratique régulière, pour qu’elle continue à nourrir.
3. Un moteur du changement : L'émotion transformatrice
L'Émotion Transformatrice est l'énergie qui accomplit pleinement sa fonction étymologique (emovere : mettre en mouvement) en assurant la transition entre la réception et l'action.
C'est l'état affectif intense et positif généré par un acte de bienveillance, qui est suffisamment puissant pour créer un mouvement vers un changement durable dans ses pensées et ses comportements. Elle est le stimulateur du processus.
L'émotion transformatrice comporte donc à la fois des caractéristiques de révélation et de stimulation.
On peut aussi voir l'émotion transformatrice comme un acte de bienveillance tapant plus ou moins fort à notre porte sous forme d'une émotion : en nous donnant le temps et le courage d'ouvrir de lui ouvrir la porte, nous la faisons devenir émotion transformatrice et nous entrons dans un nouvel espace de relation et de conscience.
Exemple concret
Je suis touché par un acte d’écoute profonde, dont je suis le bénéficiaire ou dont je suis le témoin.
Si je reste au niveau de l’émotion brute, je ressens de la gratitude (ou/et de l'admiration) puis cela s’efface.
Si je relie cette émotion à mon aspiration à créer des espaces d’attention et de soin, alors elle devient un appel : j'exprime ma gratitude et/ou mon admiration, et je choisis de cultiver l’écoute dans mes propres pratiques, et cela transforme durablement ma manière d’être.
4. Deux chemins vers l’émotion transformatrice
Le chemin conscient : le processus en 6 verbes
Tel que présenté dans le processus de la bienveillance en 6 verbes, ce chemin suit une logique cognitive et volontaire. Il s’appuie sur une suite de verbes qui structurent l’expérience :
- Observer : porter attention à la situation, avec ouverture et discernement.
- Penser : contextualiser, éviter les jugements rapides, chercher à comprendre, grâce à l'empathie
- Ressentir : accueillir pleinement les émotions, sans les nier ni les confondre avec les pensées.
- Décider : choisir une orientation ou une réponse en cohérence avec les valeurs de bienveillance.
- Dire / S’exprimer : traduire les pensées et émotions en mots, avec clarté et non-violence.
- Agir : poser des gestes concrets, alignés avec l’intention bienveillante.
Ce chemin conscient est un cercle vertueux : plus on pratique la bienveillance à chaque étape, plus elle nourrit les suivantes, jusqu’à transformer durablement nos comportements et nos relations.
L'émotion transformatrice est ici la résultante d'une observation et d'une pensée conscientes.
Exemple : je vois un reportage - que j'ai préféré regarder ce soir à une série - portant sur une association qui vient en aide à des enfants en difficultés. Je pense que les bénévoles sont dévoués, et je me sens touché par une interaction précise entre un bénévole et la personne bénéficiaire. Cette émotion forte me pousse à m'engager moi aussi dans une association de ce type dans ma région.
Le chemin en partie inconscient : de l’observation au ressenti
À côté de ce processus volontaire, il existe un chemin plus direct et implicite, directement sous le contrôle du SNA :
- Observer : de manière non volontaire un sourire, une voix douce, un geste d’attention.
- Ressentir : sans passer par l’analyse, le corps et le système nerveux réagissent immédiatement (apaisement, chaleur, détente).
- Et les autres verbes en mode conscient
La partie de chemin inconscient est sensorielle et incarnée : elle ne mobilise pas d’abord la pensée, mais agit par résonance corporelle et émotionnelle. Elle peut déclencher une émotion forte qui, si elle est reconnue ou ritualisée ensuite, devient transformatrice.
Exemple : J'interviens en réunion pour présenter un projet. Et je me sens étrangement calme avec une chaleur intérieure. J'essaye de la décrypter et je comprends que c'est dû particulièrement à l'attention d'une personne qui a hoché la tête régulièrement pour montrer son intérêt et son accord. Cela me donne envie de la remercier. Par ailleurs, je me dis qu'il est important de pouvoir offrir la même écoute et le même type de feedback quand je suis de mon côté dans la position d'avoir à écouter quelqu'un exposer son projet.
Articulation des deux chemins
Le chemin conscient permet de donner du sens, d’intégrer et de prolonger l’émotion dans des pratiques durables.
Le chemin en partie inconscient permet une résonance immédiate, une ouverture spontanée à la bienveillance.
Ensemble, ils montrent que la bienveillance peut être apprise et vécue à la fois par la conscience réflexive et par l’expérience sensorielle directe.
L’émotion transformatrice peut donc naître :
- soit d'un processus complètement conscient,
- soir de la rencontre des deux chemins : un ressenti immédiat qui est ensuite mis en sens et prolongé par une décision, une parole ou un acte.
5. Les impacts multiples : le cycle de propagation
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Type d’impact |
Description |
Exemple |
Portée |
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Réciprocité stricte |
Réponse immédiate et symétrique |
Tu me souris → je te souris |
Renforce la confiance dans l’instant |
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Réciprocité non stricte |
Réponse sur un autre axe, dans une relation asymétrique |
Tu me soignes avec douceur → je reconnais ton geste |
Ouvre la diversité des formes de bienveillance |
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Gratitude |
Reconnaissance explicite de ce qui a été reçu |
Dire « merci » sincèrement |
Consolide le lien et valorise l’acte. |
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Relais simple |
Transmission sans commentaire |
Partager une citation inspirante |
Diffusion horizontale, élargissement du cercle, par exemple
sur les réseaux sociaux |
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Relais argumenté |
Transmission avec témoignage ou récit ou analyse |
Expliquer comment un geste m’a touché voire transformé |
Donne profondeur et crédibilité au rayonnement |
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Reproduction à une autre échelle |
Réinvestissement dans un autre contexte ou collectif |
Expérimenter un rituel de bienveillance de la vie privée en
équipe |
Amplifie l’impact, crée des dynamiques collectives |
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Développement personnel et apprentissage |
Intégration dans sa propre croissance |
Je prends conscience que la communication non agressive
est importante pour moi. Je vais entrer dans un groupe de CNV |
Transformation intérieure, maturation durable |
Une spirale positive
- Ces impacts peuvent se succéder (un sourire → gratitude → relais argumenté).
- Ils peuvent aussi se superposer (gratitude + reproduction à une autre échelle).
- Ensemble, ils forment une spirale de rayonnement : de l’instant vécu à la transformation personnelle, puis à la diffusion sociale.
6. Les risques de l'étoile filante
Si cette émotion n'est pas transformée en action concrète et reliée aux aspirations, si on ferme la porte à l'émotion forte qui pourrait devenir transformatrice, elle reste une "étoile filante". L'occasion est manquée. Serait-ce une simple forme d'opportunité laissée de côté (peut-être pour plus tard ?), voire du gâchis ?
Malheureusement, il y a plus grave : une étoile filante d'émotion qui aurait pu être transformatrice peut occasionner des conséquences graves, individuellement et collectivement : elle peut même entraîner une dissonance cognitive et une perturbation du SNA (stress, culpabilité) lorsque les comportements quotidiens contredisent l'idéal ressenti, et surtout quand c'est chronique.
Des risques d’un non-accompagnement de l’émotion
- Suractivation du SNA : une émotion forte non intégrée peut maintenir un état d’hypervigilance (sympathique), avec tension, agitation, voire stress chronique.
- Inhibition : à l’inverse, elle peut entraîner une hypo-réaction (parasympathique dorsal), avec retrait, découragement, anesthésie émotionnelle.
- Cicatrices relationnelles : l’émotion non transformée peut laisser une trace de frustration ou de méfiance, au lieu de nourrir la confiance.
- Perte de sens : elle devient une expérience confuse, qui ne nourrit ni l’individu ni le collectif.
Une situation type particulièrement symptomatique est celle de l'adhésion religieuse qui prône une fraternité. Elle touche au moment de l'office religieux une fois par semaine - par exemple par l'homélie -. De belles paroles chargées de bienveillance qui percutent littéralement la pratique quotidienne de certains pratiquant : exclusion, égoïsme, ... jusqu'aux actes violents, qui ont pu être légitimés comme ce fut le cas des guerres de religion. Cette dissonance peut générer tension intérieure, culpabilité ou fragmentation identitaire. Une dissonance qui peut à la longue poser un problème de santé physique, psychique et sociale.
Par extension, les discours et positionnements politiques qui font référence aux valeurs chrétiennes tout en rejetant l’immigration, critiquant de l’assistanat, et en stigmatisant certaines populations, peuvent créer des tensions intérieures profondes, car ils mettent en contradiction des principes universels de bienveillance avec des pratiques d’exclusion. Cela fragilise autant les individus que le tissu collectif.
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7. Le défi de l'impuissance solitaire : quand l'émotion reste bloquée
La puissance de l'Émotion Transformatrice réside dans sa capacité à nous mettre en mouvement (emovere). Cependant, une émotion forte peut paradoxalement renforcer un sentiment d'impuissance si elle nous confronte à l'ampleur d'un problème qui semble dépasser notre seule capacité d'action (comme transformer le monde ou changer une structure rigide).
Lorsque cette émotion ne trouve pas d'issue, elle risque d'engendrer l'inhibition à l'action et de mener à l'impuissance solitaire, un état dévastateur qui éteint la motivation et la capacité à reconnaître de nouvelles opportunités.
Face à ce blocage, deux issues fondamentales permettent de maintenir une dynamique de transformation :
- La puissance coopérative (dynamique pour faire face à l'impuissance solitaire) : En brisant la solitude et en s'engageant dans l'action collective, on élargit notre portée d'action (notre zone d'influence).
- L'acceptation active (inspirée de la thérapie ACT et de la Théorie Polyvagale) : Face à ce qui est absolument hors de portée (individuellement et collectivement), l'issue n'est plus l'action extérieure mais une mobilisation intérieure. Cette approche consiste à accepter activement la réalité sans jugement négatif sur soi, sans s'autoculpabiliser, pour sortir de l'état de figement et de déconnexion (état vagal dorsal), afin de mobiliser l'énergie de l'action (état sympathique), et de retrouver la connexion sociale et la sécurité (état vagal ventral). C'est le choix de transformer avec humilité, lucidité et sans complaisance son rapport à la situation plutôt que la situation elle-même.
Pour que l'émotion forte ne se mute pas en souffrance mais s'ouvre bien vers la transformation durable, il est vital de briser la solitude et de choisir la voie de mobilisation la plus pertinente.
Lisez l'analyse complète de l'impuissance et de ses deux grandes issues transformatrices : De l'Impuissance Solitaire à la Puissance Coopérative et à l'Acceptation Active] (Lien vers la page détaillée)
8. Des leviers pour faire d'une émotion forte, une émotion transformatrice
Mécanismes internes
- Ancrage corporel : l’émotion ne reste pas abstraite, elle s’incarne dans une sensation physique (respiration apaisée, chaleur, détente musculaire). Cet ancrage corporel permet de la mémoriser autrement que par la pensée.
- Résonance affective : l’émotion touche une corde sensible déjà présente (valeur, besoin, désir profond). Elle ne flotte pas, elle s’accroche à une structure intérieure.
- Intégration cognitive : même si elle ne passe pas forcément par la conscience immédiate, l’émotion peut être ensuite mise en mots, reliée à une histoire personnelle, ce qui lui donne cohérence et continuité.
- Répétition / réactivation : après son ancrage, l’émotion peut être revisitée, réévoquée, ritualisée (par un souvenir, un geste, une pratique), ce qui la stabilise dans le temps.
Dynamiques relationnelles
- Reconnaissance par autrui : quand l’émotion est validée ou accueillie par autrui, elle gagne en légitimité et profondeur.
- Partage / témoignage : exprimer l’émotion (par la parole, l’écriture, l’art) la transforme en expérience transmissible, ce qui la consolide. Avoir un réseau social y contribue, en ne confondant pas quantité et qualité (notamment lorsqu'il s'agit de réseau social numérique)
- Réciprocité : si l’émotion déclenche une réponse bienveillante chez l’autre, elle s’inscrit dans une spirale relationnelle qui lui donne durée et impact, et contribue à faire évoluer une relation elle aussi transformatrice.
Dynamiques élargies
- Mise en pratique : l’émotion devient transformatrice quand elle induit un changement concret (nouvelle attitude, geste, choix).
- Symbolisation : elle est reliée à un symbole, une image, une métaphore qui lui donne une place dans l’imaginaire collectif ou personnel.
- Enjeux de rayonnement : elle dépasse la relation initiale et est nourrie par d’autres sphères (famille, travail, communauté).
9. Un élément de modélisation de la bienveillance parmi d'autres
- L'émotion transformatrice est en quelque sorte un point d'entrée original de l'investissement dans la bienveillance : savoir lire dans nos émotions fortes un signal et une stimulation.
- La transformation personnelle nécessite des interactions avec autrui.
- La transformation collective ne se produit jamais par multiplication d’émotions individuelles.
- Il ne s'agit pas non plus que l'opportunité soit vue comme une injonction, malgré ce que j'ai pu écrire sur les risques de l'étoile filante, surtout si c'est chronique.
Conclusion
Résumé des Points Force
« La bienveillance se joue aussi dans le choix d’ouvrir la porte de nos émotions fortes vers la transformation. »
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Domaine Clé |
Levier d'action et mémorisation |
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Distinction
Fondamentale |
L'émotion forte est une alerte (le signal), l'ET est une décision d'agir.
Évitez le piège de l'Étoile Filante (dissonance) en ouvrant la porte. |
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Ancrage |
La
transformation requiert une fondation physiologique (SNA apaisé, Neuroception).
Prenez soin de votre sécurité intérieure pour pouvoir être touché. |
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Processus
Actif |
L'ET
est mise en œuvre par l'enchaînement conscient des 6 verbes. Elle
révèle et aligne vos actions sur votre sens profond et vos valeurs. |
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Engagement |
Pour
transformer l'émotion, vous devez l'utiliser comme un Révélateur de
vos valeurs, puis comme un Stimulateur d'engagement concret. |
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Rayonnement |
L'action
générée par l'ET n'est pas solitaire. Elle est le premier impact qui
alimente une Spirale Positive (réciprocité, relais, reproduction,
développement). |
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Garde-Fou |
L'ET
est une opportunité, jamais une injonction. Sa modélisation est un élément
parmi d'autres qui nécessite d'être complété par des pratiques
collectives et structurées. |
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