Cet article reprend et enrichit une de mes chroniques sur lesverbesdubonheur.fr formulée principalement sous forme d'une longue pensée m'a été inspirée par mes lectures d'ouvrages sur le philosophe Baruch Spinoza, par la théorie U et par mes travaux de modélisation sur la bienveillance.
Le point de départ est la citation de Spinoza :
"Ne pas se moquer, ne pas se lamenter, ne pas détester, mais comprendre"
Elle fait écho aussi à un conte amérindien autour d'un loup blanc et d'un loup noir que je restitue ci-dessous avec mes mots :
Un vieil homme explique à son petit-enfant qu'en chacun de nous, y compris en lui-même que tout le monde voit comme un sage, cohabitent deux loups :
- un loup blanc, gentil, bon qui vit en paix, en harmonie avec les autres, dans l'amour, la bienveillance et la justice. Il sait quand faire preuve de tolérance et quand s'indigner, tout en restant dans la non-violence
- un loup noir, plein de pensées et d'émotions négatives (notamment la colère), qui jalouse, qui s'autorise à verser sa mauvaise humeur sur les autres, qui est agressif. Des comportements qui ne font qu'envenimer les choses et le laissent dans les émotions négatives.
Et l'enfant de réagir en posant la question : mais lequel des deux gagne ?Le grand-père répond alors "C'est celui qu'on nourrit !"
Je donne maintenant sous forme textuelle la pensée illustrée en tête de l'article :
"Ne pas se précipiter, ne pas s'impatienter, ne pas se comparer, ne pas juger, ne pas mépriser, ne pas détester, ne pas agresser, ne pas mettre de l'huile sur le feu, ne pas vouloir se venger, ne pas vouloir faire œil pour œil, dent pour dent, ne pas maudire, ne pas médire, ne pas se moquer, ne pas étiqueter, ne pas simplifier, ne pas être de mauvaise foi, ne pas décharger sa mauvaise humeur sur autrui, ne pas se lamenter, ne pas ruminer,
MAIS se donner le temps, l'envie, la curiosité et la joie de COMPRENDRE avec l'esprit, le cœur et la volonté ouverts dans une attitude de bienveillance globale et une approche gagnant-gagnant. Puis en apprécier tous les bienfaits directs et indirects, ressentir et exprimer de la gratitude."
Vous pouvez entendre dans l'énoncé de ces deux parties (ne pas faire en orange/marron et faire en vert) que plutôt que de s'efforcer à ne pas faire tout ce qui est écrit dans la première partie, il vaut mieux se donner l'élan de faire ce qui est écrit dans la deuxième partie, qui de fait, nous éloignera des tendances délétères exprimées en première partie.
Je vais maintenant préciser ma pensée sur 3 aspects évoqués dans la partie en couleur verte (ce qui est préconisé) : le temps, la joie et comprendre.
Le temps
Une tendance à l'immédiateté, le manque de temps, les urgences et la facilité nous font tomber dans le piège et le cercle vicieux de ce qui est écrit en orange/marron ; en enlevant la forme négative : se précipiter, s'impatienter, se comparer, juger, ...
Par exemple, il est beaucoup plus facile et rapide de porter un jugement radical que d'essayer de comprendre autrui et la situation qu'il traverse. Et cela nécessite du temps pour observer et interagir.
Se donner du temps, individuellement et collectivement est capital pour la bienveillance et constitue un principe et un enjeu premiers de la Bienveillance (cf la page Donnons-nous du temps et de la joie pour la bienveillance et les 3x3+1 principes).
La joie
Pour introduire cet aspect, voici une autre source d'inspiration : le livre Le miracle Spinoza de Frédéric Lenoir, et particulièrement l'extrait suivant :
« Ces sentiments positifs pourront susciter en elle (la personne) un nouveau désir, lequel mobilisera sa volonté pour lui donner la force de suivre sa raison » (page 208 de l'édition de 2019)
Ce qui m'a fait concevoir le schéma suivant :
Et l'on voit que la joie conduit à la raison en créant du désir puis en mobilisant la volonté. Ce schéma met en évidence le risque d'un cercle vicieux basé sur les pensées négatives (notamment le ressentiment et le jugement facile ou radical) et les émotions négatives. La capacité à passer d'un affect négatif à la joie est primordiale pour que la raison reprenne la main et construise et cultive un cercle vertueux où le cortex préfrontral est aux commandes. (cf la chronique Y'a d'la joie dans la bienveillance !)
Comprendre
Pour comprendre autrui, cela nécessite d'interagir avec l'autre pour le faire s'exprimer sur ce qu'il vit réellement (et pas par le petit bout de la lorgnette que l'on a utilisé), sur ses perceptions et sentiments, et puis sur ses besoins, ses aspirations, ses attentes, ses demandes. Je promeus depuis 2017 la pratique de l'Attention Réciproque pour se comprendre mutuellement (Dossier sur laqvt.fr Attention Réciproque)
Chercher à comprendre est une dynamique vertueuse, particulièrement en situation de tension. Je renvoie à deux pages : Prévention et gestion des tensions et La stratégie de coopération bienveillante "Coopérenne". En notant que comprendre est un enjeu de gestion de tension, et à la fois de prévention puisque cela permet de limiter le nombre et l'intensité des tensions et des conflits qui sont associés.
Quelques bénéfices
Quels sont quelques grands bénéfices à se donner le temps de comprendre en situation de tension (qu'elle soit signe d'un mal-être diffus ou provoquée par une situation donnée) ?
- à condition d'aborder ce "travail" de recherche avec curiosité et joie, alors les émotions positives vont se substituer aux émotions négatives ;
- bien souvent, l'exploration conduit à lever le lièvre de malentendus, de distorsions de communication, de mauvaises interprétations d'intentions, de comparaisons biaisées (typiquement, comparer les avantages d'autrui par rapport aux inconvénients de sa propre situation, faisant fi des inconvénients d'autrui et des avantages de sa propre condition) ; ce qui peut avoir non seulement un effet bénéfique pour la situation donnée, mais peut conduire à une prise de conscience de mauvaises habitudes dans les façons de penser et de réagir, et à une transition vers des modes plus bienveillants et plus efficaces ;
- sortir de la dualité du bien et du mal, dans laquelle l'autre ferait mal (en réalité, on lui reproche de ne pas faire comme soi-même) ; comprendre permet d'accepter la différence (qui est loin d'être systématiquement l'opposé) et de la valoriser, notamment dans ses capacités à pouvoir être complémentaire
- dans le cadre d'une coopération, cela permet de mieux gérer l'approche gagnant-gagnant et de faire face aux inévitables tensions, notamment en se donnant le temps et les moyens de comprendre la situation, les perceptions et les aspirations des différentes parties prenantes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire