3 enjeux de bienveillance : faire du bien, ne pas faire de mal, et signaler/dénoncer le mal

 


On peut avoir une vision limitée de la bienveillance, à savoir : faire du bien et (essayer de) ne pas faire du mal. Cette vision limitée peut conduire à considérer la bienveillance comme molle, insipide, galvaudée, inopérante, façon Bisounours, ... outre le fait que formulé ainsi, pour certains, elle peut être urticante par un côté moralisateur qu'ils peuvent percevoir.

L'actualité qui défile jour après jour nous invite à voir une 3ème dimension de la bienveillance : signaler, dénoncer le mal et y faire face. Voici quelques situations types auxquelles je pense :


  • les attaques qui sont menées contre des civils, des hôpitaux, des ONG, des journalistes, ... que ce soit sous forme terroriste ou dans le cadre de conflits armés entre Etats ou en guerre intestine, quelques fois appelés pudiquement "dégâts collatéraux"
  • les actes d'agression en France contre ceux qui n'ont pas la même religion, la même peau, la même orientation sexuelle, le même maillot de club de foot, ...
  • le harcèlement scolaire dénoncé par des parents qui ne sont pas toujours entendus par les rectorats
  • des scientifiques spécialistes du climat qui dénoncent depuis maintenant des années les comportements de nos sociétés qui mettent en péril la vie sur notre planète et en pillent les ressources naturelles
  • Les dénonciations de comportements violents faits aux femmes et aux enfants
  • Les dénonciations du manque de moyens criant dans le secteur du soin et de prise en charge des malades et des personnes âgées ...
Cette 3ème dimension est non seulement indispensable, cruciale pour concevoir pleinement la bienveillance, mais il y a des cas où elle est même considérée comme un devoir qui va au-delà d'une conception éthique et/ou morale : un devoir de citoyen qui, faute d'être exercé, peut être puni par la loi. Vous allez peut-être penser que j'y vais un peu fort. Alors, suivez mon raisonnement :

Imaginez un homme en train d'agresser sexuellement une femme. Il s'agit bien entendu d'un niveau particulièrement élevé de malveillance et de maltraitance (à l'extrême gauche d'une échelle de la bienveillance allant de la malveillance à la bienveillance). C'est un crime.
Continuons sur le registre de l'imagination. Un témoin passe par là, fait celui qui n'a rien vu et passe son chemin comme si de rien n'était. Cela s'appelle non-assistance à personne en danger. Et comme je le disais quelques lignes plus haut, il pourrait être poursuivi et condamné.

Comme quoi, dénoncer, affronter le mal n'est pas toujours une option que l'on active selon son humeur, son opinion (notamment politique), son niveau de bienveillance, ... mais cela peut constituer une obligation inscrite dans les lois du pays dans lequel on vit.

Et si dans les lois du pays était inscrite l'obligation de non-destruction de l'environnement et d'assistance à planète en danger, alors que dirait-on de toutes les personnes qui aujourd'hui sont indifférentes à l'effondrement des écosystèmes naturels voire s'offusquent ou ironisent de voir une petite partie de la population défiler contre les atteintes à l'environnement ? Elles seraient à leur tour en marge de la société et susceptibles d'être punies par la loi.

Echelle de la Bienveillance

La non-assistance à personne en danger éclaire bien selon moi l'idée fondamentale que l'absence d'action bienveillante n'est pas neutre. L'absence de bienveillance, et notamment l'absence de signalement, de dénonciation des actes malveillants constitue un problème de bienveillance, une faute, voire une faute coupable assimilable à une forme de malveillance. La non-assistance à personne en danger se situe en réalité sur le segment de gauche de l'échelle de bienveillance que j'ai modélisée et que je rappelle ci-dessous :


C'est parce que la non-action porte des conséquences graves que je la considère assimilée à de la malveillance. Elle est à distinguer de la non-action sans grandes conséquences que je considère comme de l'absence de bienveillance, qui sans être de la malveillance constitue néanmoins un problème de bienveillance.

cf plus d'informations sur cette échelle avec notamment une animation explicative sur la page dédiée Echelle de la Bienveillance en 3 segments.

Un enjeu de discernement

Il me semble qu'il nous faut cultiver le discernement qui nous permet de distinguer les conséquences graves et celles qui ne le sont pas, au risque de réagir aux situations à l'envers. A savoir : s'indigner pour des broutilles (notamment pour ce qui concerne son propre intérêt) et tolérer l'intolérable. C'est l'idée que j'ai développée dans l'article Tolérance ET Indignation - Chronique sur la Bienveillance - Episode 16 sur mon blog lesverbesdubonheur.fr

Un discernement qui mérite de s'appuyer sur les fondements de la vie : dénoncer tout ce qui touche à l'atteinte de l'air que l'on respire, à l'eau que l'on boit (et aussi pour ce qui est lié à l'hygiène), à notre alimentation, à nos espaces de vie, aux risques de faire face à des températures insupportables et des situations météorologiques dévastatrices, la santé physique, psychique et sociale de toutes et tous, l'égalité et l'équité entre les sexes, les races, les pays dits industrialisés et dits pauvres, ...

Bien évidemment, tout à chacun a sa propre sensibilité, sa propre panoplie de sujets qui le touchent, mais il me semble que l'on devrait déjà pouvoir se retrouver sur des enjeux vitaux, tout en tolérant que chacun puisse avoir à cœur ses propres sujets sensibles.

Une question de curseurs

C'est ainsi qu'on prend conscience de la difficulté du sujet de la bienveillance : chacun voit midi à sa porte : ce qui sera un sujet de bienveillance pour l'un ne le sera pas forcément pour l'autre. Je prends l'exemple typique de la nourriture : certaines personnes sont végétariennes, d'autres mangent volontiers voire très souvent de la viande et du poisson. 

On pourrait concevoir sur ce sujet que chacun puisse faire comme il le conçoit en respectant la position de l'autre. Or, il est clair que ce n'est pas toujours le cas : des viandards qui se gaussent des végétariens et des végétariens qui apostrophent de manière agressive des viandards.

Des curseurs dont on voit bien qu'ils sont très variables concernant le traitement des animaux, à la fois selon les pays et selon les espèces. Un petit exemple : "Vous aimez le thon ? Oui ? Un petit steak de dauphin, ça vous dirait ? "
Sébastien Bohler dans son livre "Human Psycho" évoque le sujet de l'empathie et mentionne des études qui montrent que notre niveau d'empathie est proportionnel à l'éloignement de chaque espèce par rapport à l'humain dans l'arbre des espèces. Plus l'espèce nous ressemble et plus nous aurons de l'empathie pour elle. Sachant que l'empathie peut elle-même représenter un facteur de malveillance : on respecte et prend soin de ce qui nous ressemble et inversement on s'autorise à ne pas respecter, à exploiter, à détruire tout ce qui est jugé ne pas nous ressembler (en notant qu'il s'agit d'attitudes concernant aussi les rapports entre humains). Il ne s'agit plus en réalité d'empathie mais d'empathie exclusive, excluante, source et prétexte de discrimination.

Mais on voit bien que sur d'autres sujets, il est important de mettre des curseurs communs à notre société, voire à l'humanité. Je pense notamment au viol, à l'inceste, aux violences familiales. Je ne prends pas ces sujets au hasard car, même s'ils sont encadrés par la loi, force est constatée qu'ils restent trop présents dans notre société et très mal pris en charge au vue des statistiques dramatiques et probablement en plus en-dessous de la réalité.

La tolérance, élément essentiel de la bienveillance, admet et exige des exceptions : le devoir d'intolérance, de dénonciation, de signalement, de confrontation, de réparation face à l'intolérable.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Article épinglé

Problème DE bienveillance et AVEC la bienveillance

  Voici un bref constat en deux points sur ce qui ne va pas selon moi avec la bienveillance actuellement dans notre société. Avant d'en ...

Articles les plus consultés