Sortir de l'impuissance solitaire par la puissance coopérative et l'acceptation active

Préambule

Cette page a été initialement conçue pour être reliée à la page L'émotion transformatrice au carrefour la Bienveillance, mais elle peut se consulter indépendamment, et aussi s'entendre pour toute forme d'impuissance, et pas seulement celle liée à l'impuissance à transformer une émotion forte consécutive à un acte bienveillant, en une émotion transformatrice.

Une multitude de contextes pouvant conduire à l'impuissance solitaire

Dans le contexte d'une émotion forte qui peut donner lieu à une dynamique de transformation, la bienveillance se joue aussi dans le choix d’ouvrir la porte de nos émotions fortes vers la transformation. 

Ce choix n'est pas toujours facile à concrétiser, surtout lorsque le désir d'agir pour le monde nous confronte à un sentiment dévastateur : l'impuissance solitaire. C'est à dire le sentiment ambivalent de :

  • ressentir l'élan d'apporter sa contribution au monde par la bienveillance,
  • et en même temps de ne pas savoir par quel bout y arriver ou considérer ne pas posséder les compétences et forces pour passer à l'acte.

On peut élargir le propos au-delà de l'enjeu du cheminement vers plus de bienveillance : il y a quantité de contextes où l'on peut se trouver dans l'impuissance dans nos différentes sphères de vie, avec des enjeux de bienveillance qui apparaissent manifestement : la tendance à s'autoculpabiliser, quand ce n'est pas autrui qui nous met la tête encore plus sous l'eau en nous reprochant passivité ou manque de volonté. Autrui pouvant être un individu ou la société. On peut penser notamment à la façon dont les personnes privées de travail sont considérées par certains partis politiques ou même par les institutions.

Le piège de l'impuissance solitaire

Lorsque le chemin entre l'émotion forte et l'action, ou toute autre action inspirante ou vitale semble impraticable, il y a un sentiment d'échec qui s'installe et l'individu se retrouve piégé dans une souffrance qui lui est propre. C’est le point de bascule vers ce que je nomme l'impuissance solitaire.

L'étude des concepts d'impuissance met en lumière ce mécanisme redoutable :

  • L’inhibition de l’action (Henri Laborit) : Si l’individu ne peut ni fuir, ni combattre, il bascule dans l'inhibition. La non-action génère des dégâts majeurs pour la santé. L'émotion forte qui ne peut se transformer en action devient une charge toxique.
  • L’impuissance apprise (Martin Seligman) : Si l'individu perçoit que ses actions sont vaines (souvent le cas face à des problèmes systémiques), il perd la motivation à agir. Il cesse de voir les opportunités, même celles qui sont à sa portée.
  • L'amplification de la dissonance : L’impuissance devient la plus intense lorsqu'elle est perçue comme personnelle (« je suis le seul à ne pas y arriver »), permanente (« rien ne changera jamais ») et globale (« cela affecte tous les domaines de ma vie »). La solitude face à l’enjeu renforce ce sentiment d’être l'exception qui ne peut pas.

Pour éviter que l'émotion forte ne se mue en désespoir et en paralysie, il est crucial de sortir de l’isolement et de choisir une voie de mobilisation.

2 portes de mobilisation face à l'impuissance

L'Émotion Transformatrice ou la sortie d'une situation d'impuissance solitaire peuvent se concrétiser via deux grandes voies, selon que l'objet de l'impuissance est collectivement atteignable ou intrinsèquement hors de portée.

A. Si l'enjeu est à notre portée interpersonnelle ou collective : La Puissance Coopérative

La première étape pour briser l'impuissance est de cesser de focaliser sur ce qui n'est pas à notre portée tout seul.

"Ce qui n’est pas à notre portée seul, peut le devenir en coopérant avec d’autres, en action collective. "
— Extrait de mon article Agir dans le sens de ce qui est notre portée sur lesverbesdubonheur.fr

Le fait de partager un ressenti fort avec d’autres permet de réaliser que le problème n'est pas forcément personnel, mais possiblement structurel. Dès lors, le poids de l’impuissance est moins lourd à porter quand on peut le partager, et surtout que l'on peut envisager une solution collective.

C'est une des voies à la Puissance Coopérative, caractérisée par :

  • Se sentir à sa juste place et efficace.
  • Éprouver un sentiment d’autonomie combiné à la conscience de l’interdépendance (recherche du gagnant-gagnant) et d'appartenance à un collectif soutenant.

Cette puissance est nourrie par un double niveau de Reconnaissance, essentiel pour articuler l’individu et le collectif :

  • reconnaissance d'appartenance : Développe l'inclusion dans le collectif (« C'est nous qui l'avons fait ! »)
  • Valorise la singularité de l'individu (« J'ai apporté ma propre contribution ! »)
Pour qu'une coopération soit gagnant-gagnant, je renvoie à la page La bienveillance par la coopération Gagnant-Gagnant.

B. Si l'enjeu est hors de portée : L'Acceptation Active

Il arrive que l'enjeu soit si vaste (comme l'emballement climatique) ou si rigide (une organisation non réceptive) que même l'action collective semble vaine. Dans ce cas, la seule issue pour la santé n'est pas l'action extérieure, mais la mobilisation intérieure.

C'est la voie de l'Acceptation Active, une approche qui permet de transformer son rapport à la situation plutôt que la situation elle-même.

  • L'Acceptation (inspirée de la Thérapie ACT) : Contrairement à la résignation passive, il s'agit d'une acceptation consciente et non jugeante de ce qui ne peut être contrôlé. En acceptant l'émotion forte (tristesse, colère) sans la laisser nous paralyser, on libère l'énergie de l'action pour ce qui compte ici et maintenant.
  • La Mobilisation Interne (inspirée de la Théorie Polyvagale) : Face à l'impuissance, le corps peut basculer dans un état de figement et de déconnexion (état dorsal). L'Acceptation Active est une mobilisation psychocorporelle qui permet de sortir de cet état d'immobilisation pour retourner à la sécurité et la connexion sociale (état vagal ventral), en passant par une mobilisation intérieure (état sympathique), même en l'absence de solution extérieure

Le fait de choisir l'Acceptation comme une forme d'action intérieure permet de maintenir la Bienveillance envers soi-même et de ne pas basculer dans l'inhibition apprise, préservant ainsi le capital émotionnel nécessaire aux futures actions.

L'acceptation active permettant de retrouver plus de sérénité, de confiance, de connexion avec autrui et de rationalité, cela ouvre une voie à la reconsidération de la possibilité d'une solution : le brouillard qui entourait l'impasse dans l'état d'impuissance peut se dissiper et des alternatives peuvent se alors se faire jour.


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