Mardi 6 février 2024, Sébastien Boueilh, le Président de la dite "CIIVISE 2", était interviewé sur le plateau de l'émission de télé Quotidien. C'était le lendemain de son intronisation par la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités Catherine Vautrin. La CIIVISE, c'est la Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants. Elle a réalisé un travail extraordinaire qui a abouti à 82 préconisations qui pourraient mettre notre société en ordre de marche coordonnée face à l'inceste et aux violences sexuelles, à contribuer à faire société bienveillante.
Il a évoqué dans cette émission 57 jours difficiles pour lui : "Ces 57 secondes de silence ont représenté les 57 jours où du moment qu’on a été nommé, on a fait l’objet de critiques, d’insultes, de tout ce qu’on peut imaginer, justement grâce à ces réseaux sociaux. C’est affligeant."
Alors, moi qui me suis investi dans la modélisation d'une Société et de Territoires de la Bienveillance, et qui depuis mi-décembre 2023 ai décidé de m'engager derrière la CIIVISE historique en tant que citoyen et humain doté d'un cœur, d'une raison et d'une conscience, je vous propose une lecture à la fois distanciée et personnelle de ces 57 jours à travers deux éléments de modélisation que j'ai conçus : une échelle de la bienveillance en 3 segments : malveillance, absence de bienveillance et bienveillance, et 3 enjeux centraux de bienveillance : faire du bien, ne pas faire de mal et dénoncer, affronter, signaler le mal.
J'ai déjà consacré 4 articles autour des travaux et de l'historique de la CIIVISE :
57 jours de trop pour qui ?
Le 10 décembre 2023, le gouvernement à travers sa Secrétaire d'Etat à l'Enfance Charlotte Caubel a annoncé le renouvellement de la CIIVISE MAIS - et c'est là que ça coince très sérieusement - en changeant les co-présidents (le terme "éviction" a été consacré par les observateurs et les victimes de cette décision) et en faisant évolué ses missions.
A cette date précise ont démarré les 57 jours difficiles que Sébastien Boueilh a évoqués.
Avec les deux casquettes que j'ai décidé de porter dans cette article, je comprends que Sébastien Boueilh ait pu ressentir un mauvais accueil par une partie de la population à sa nomination. Oui, si je me mets à sa place et si je lis la plupart des réactions sur les réseaux sociaux, ça me toucherait, ça me ferait mal de me voir attaquer alors que je défends une bonne cause. Par leur quantité de réactions négatives, par la violence de certaines, et aussi parce que Sébastien Boueilh a été aussi une victime de violences sexuelles.
Sauf ... que je ne suis pas à sa place, et que si j'avais été à sa place, je n'aurais pas accepté de prendre la suite du juge Edouard Durand et que j'aurais démissionné comme les autres membres qui l'ont fait par ailleurs. J'aurais côtoyé et appris à connaître un serviteur de l'Etat et de la cause des enfants absolument hors norme et j'aurais été fier d'avoir pu contribuer à changer la donne sur le sujet de l'inceste et des violences sexuelles, étant déjà investi moi Sébastien Boueilh en tant que fondateur et président de mon association Le colosse aux pieds d'argile.
Donc oui, je comprends que Sébastien Boueilh ait pu souffrir 57 jours et que cela puisse continuer. Et si j'étais à sa place, je retournerai à bien faire mon travail dans mon association, là où je suis reconnu par toutes les parties prenantes que je côtoie. Vous connaissez la tirade dans Les fourberies de Scapin de Molière : "Que diable allait-il faire dans cette galère ?". Voilà le fond de ma pensée.
ET je comprends encore mieux que d'autres aient pu souffrir, aient vu leurs souffrances s'amplifier. Il s'agit en premier lieu des enfants victimes de violences sexuelles devenus adultes, et encore plus particulièrement celles et ceux qui sont venus témoigner auprès de la CIIVISE. 30 000 personnes qui ont vu leur souffrance repartir en flèche après avoir eu l'espoir d'une CIIVISE qui les a écoutés, crus, qui les a reconnus.
Il est sûr que chaque souffrance est particulière, mais voilà, il y a d'un côté la souffrance d'un président et de sa vice-présidente, et de l'autre la souffrance presque certaine d'au moins 30 000 personnes parce qu'il y a aussi toutes celles qui n'ont pas témoigné. Je rappelle le chiffre effroyable : 5,5 millions de personnes ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance.