- commence à l’intérieur de chaque être humain,
- se prolonge dans chaque groupe auquel il appartient,
- dans les communautés qui l’entourent,
- et s’étend jusqu’aux dynamiques lointaines qui influencent nos vies sans que nous les voyions.
Cette interdépendance est symétrique : nous recevons des autres forêts, et nous émettons nous aussi. Nos décisions locales deviennent des influences globales, des climats globaux.
Elle constitue un pilier central de la culture individuelle et collective de la bienveillance.
1. À l’intérieur de l’individu : le hêtre et son microbiote
Chaque être humain est un hêtre dans la forêt humaine. Mais ce hêtre n’est jamais seul même quand il est éloigné de toute présence humaine : il vit en symbiose avec un microbiote intestinal.
Cet écosystème de milliards de micro-organismes est le premier "invisible circulant" : il influence notre stress, nos émotions, notre capacité à nous réguler et notre disponibilité à la coopération.
Le microbiote joue pour l’humain un rôle comparable à celui du mycélium pour l’arbre : un réseau invisible qui régule, relie, nourrit et stabilise.
La coopération humaine commence dans cette écologie intérieure invisible avec le vivant qui nous habite : un hêtre régulé coopère mieux qu’un hêtre stressé.
2. À l’intérieur du groupe : notre forêt comme écosystème relationnel
Un groupe — couple, famille, équipe, association — est une forêt, ou une partie de forêt.
Dans cette forêt, les hêtres (les individus) sont reliés par des échanges constants visibles et invisibles à notre conscience : ton de voix, gestes, postures, rythmes, émotions, niveau de présence.
Ces signaux mettent en alerte ou apaisent le Système Nerveux Autonome (SNA) de chacun.
C’est la co‑régulation interne : la manière dont l'invisible circulant entre les membres d'un groupe crée soit un climat de sécurité propice à la coopération, soit un climat de menace qui fragilise le lien et les membres.
Notre forêt abrite des relations transformatrices et repose sur un ferment co-construit qui se cultive ensemble. Elle est un cocon pour les hêtres.
3. Avec les forêts englobantes : les archipels
Aucune forêt, aucun groupe ne vit isolé.
Chaque groupe est un territoire enchâssé dans un archipel de forêts englobantes : familles élargies, voisinages, organisations, communautés, cultures, territoires géographiques.
L'invisible circule ici par le niveau de sécurité, les normes, les récits, les pratiques coopératives, le climat émotionnel.
Notre bienveillance locale dépend aussi des forêts qui nous entourent.
ET la symétrie est essentielle :
nos choix, nos pratiques et notre climat relationnel influencent aussi les forêts qui nous englobent.
Une forêt qui cultive la sécurité et la clarté devient un régulateur dans son archipel. Une forêt qui cultive la peur ou la violence devient un perturbateur au sens délétère du terme.
4. Avec les forêts éloignées : l’archipel lointain
Dans le vivant, les forêts lointaines nous touchent par des flux que nous ne voyons pas ou que l'on ne relie pas à ces forêts qui sont peut-être à l'autre bout du continent :
- elles envoient des spores portées par le vent,
- elles génèrent des nuages qui voyagent,
- elles influencent les pluies, les sols, les climats.
Et réciproquement, nos forêts les touchent sans qu'elles nous voient.
De la même manière, nos collectifs humains sont traversés par les récits médiatiques, les crises globales, les innovations, les imaginaires, les tensions sociales et les espoirs collectifs.
Ce sont les vents, nuages et pluies sociales qui voyagent d’un archipel humain à l’autre.
Toutes les strates de nos forêts visibles sont traversées par des flux venus de forêts lointaines.
ET là encore, la symétrie est fondamentale :
nos actions locales contribuent elles aussi à ces vents, ces nuages et ces pluies.
Un collectif qui cultive la bienveillance, la lucidité et la coopération produit des micro‑climats sociaux régénératifs qui voyagent bien au-delà de ses frontières et plus loin qu’on ne l’imagine. Un collectif qui cultive la peur, la défiance ou la violence contribue à des climats sociaux délétères (cf effet papillon)
Le parallèle clé des 2M : Microbiote ↔ Mycélium
Pour comprendre cette interdépendance, une analogie simple peut beaucoup aider :
Le microbiote est à l’humain ce que le mycélium est à la forêt.
- Tous deux sont invisibles ET essentiels.
- Tous deux sont circulants.
- Tous deux facilitent la coopération.
- Tous deux maintiennent l’équilibre du système.
- Tous deux relient des éléments du vivant différents entre eux.
Avec des effets opposés selon la vitalité :
- Un microbiote équilibré nourrit le système, un microbiote perturbé le déséquilibre.
- Un mycélium sain régénère la forêt, un mycélium affaibli la fragilise.
Et cette coopération est bidirectionnelle :
- Nous coopérons avec nos microbiotes, par le 3R-SABA
- Les arbres ne coopèrent jamais seuls : ils coopèrent avec le mycélium.
Les limites de la métaphore du Hêtre
- changer de sol,
- régénérer son microbiote,
- modifier ses habitudes,
- choisir ses alliances,
- refuser certaines coopérations,
- créer de nouveaux flux.
- sur les forêts proches (économies locales, relations sociales),
- sur les forêts lointaines (écosystèmes, droits humains, climat),
- sur les flux invisibles (récits, normes, régulations).
- L’humain est un hêtre capable de redessiner les contours de la forêt, en articulant responsabilité individuelle et responsabilités collectives.
- Il peut être un régénérateur ou un perturbateur, par ses actes quotidiens.
- C'est un être de prises de conscience (VS déni, indifférence), de décisions (VS non décision) et d'actions (inaction).
Conclusion
L’interdépendance humaine est une écologie complète, une circulation continue :
- - intérieure (hêtre- SNA, microbiote),
- - relationnelle (forêt - co‑régulation),
- - archipélique (forêts englobantes et proches - collectifs proches),
- - planétaire (flux globaux).
Cette écologie est symétrique :
- Nous sommes influencés par la vie des autres forêts.
- Ce que nous faisons dans notre forêt influence les forêts proches et lointaines.
Prendre soin de « notre forêt » — notre groupe, notre communauté — c'est reconnaître que chaque geste de régulation nourrit l'invisible circulant. La bienveillance n'est pas une vertu isolée, c'est un micro-climat qui voyage.
Aucun hêtre ne vit seul. Aucune forêt ne vit seule. Aucune bienveillance non plus. Et aucune responsabilité ne s’arrête à aucune frontière.

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