Bienveillance et robustesse

 Edition du 9/11/2025



Il existe une relation étroite entre bienveillance et robustesse — une relation vivante, exigeante, probablement assez méconnue.

  • La bienveillance, pour ne pas se réduire à une gentillesse molle ou à une intention morale, a besoin d’être robuste : c’est-à-dire enracinée, lucide, capable de tenir dans la durée, y compris dans les complexités et les tensions de la vie.
  • De son côté, la robustesse, si elle n’est pas reliée à la bienveillance, peut basculer dans la dureté et reproduire ce qu’elle prétend dépasser : la logique de la performance pour la performance, la force érigée en modèle, la maîtrise contre le vivant.
    Elle ne devient un nouveau paradigme que si elle s’ancre dans le soin, l’attention et la relation.

Autrement dit :

La bienveillance a besoin de la robustesse pour être vraiment opérationnelle.

La robustesse a besoin de la bienveillance pour rester pleinement humaine.

C’est ce lien — vivant, éthique et pratique — que je vous propose dans ce dossier.

La robustesse selon Olivier Hamant

Olivier Hamant est chercheur en biologie végétale (INRAE, ENS de Lyon). Il explore la robustesse comme principe fondamental du vivant, en opposition directe avec le concept de performance et dans une approche disruptive (radicale).

Au cœur de la pensée d'Olivier Hamant se trouve la distinction entre deux logiques :

  • La Performance : Définie comme la combinaison de l'efficacité (atteindre un objectif) et de l'efficience (le faire avec le moins de moyens possible ... et toujours de moins en moins ... et toujours de plus en plus vite). Ce modèle, dominant dans nos sociétés, vise l'optimisation maximale. Il crée des systèmes très performants dans des conditions stables, mais un double prix exorbitant : ça les rend fragiles et vulnérables au moindre imprévu, et avec des externalités négatives (coûts supportés par les tiers, et notamment, l'environnement)
  • La Robustesse : Définie comme la capacité d'un système à maintenir sa stabilité et sa viabilité malgré les fluctuations internes et externes. La robustesse rime donc avec souplesseLa robustesse permet la viabilité dans un monde devenant de plus en plus instable et en pénurie de ressources.
Selon Hamant et son expertise de la biologie végétale, le vivant privilégie massivement la robustesse sur la performance.

Pour être robuste, un système vivant intègre des marges de manœuvre, ce qui implique des caractéristiques contraires à la performance : 
  • l'inefficience (l'exemple phare est la photosynthèse, dont le rendement énergétique est très faible, inférieure à 1 %), 
  • l'hétérogénéité
  • la lenteur 
  • et la redondance.

Olivier Hamant a étendu cette réflexion biologique aux systèmes humains (économie, agriculture, éducation, gestion de crise). Il soutient que notre obsession pour la performance nous a conduits dans une impasse (crise climatique, érosion de la biodiversité) en créant des systèmes globalisés très efficaces mais extrêmement fragiles et destructeurs des ressources, du vivant en général et de la santé humaine en particulier (notamment par la sursollicitation physique et psychique).

Il plaide pour une transition vers des modèles basés sur la robustesse
  • accepter une part d'inefficience, 
  • valoriser la diversité
  • valoriser la redondance, 
  • et créer des systèmes capables d'encaisser les chocs inévitables d'un monde en fluctuation.
Il se positionne différemment d'autres acteurs qui œuvrent sur le champ de la résilience socio-écologique, résilience entendue comme stratégie pour une transformation qui se ferait postérieurement à un choc ou à une crise, y compris dans une acception de prévention. Cette résilience mettant en jeu un changement de structure et non un simple retour à l'état initial.

Le travail d'Olivier Hamant est disruptif car il attaque directement le dogme de la performance à la racine, en utilisant une autorité scientifique à la fois pertinente et originale : le vivant. Néanmoins, il prend la précaution de ne pas amalgamer de manière systématique fonctionnement du vivant et fonctionnement des sociétés humaines.

Il considère la robustesse comme une révolution culturelle : adopter la robustesse nécessite de changer de valeurs culturelles, notamment :
  • Passer de l'optimisation à la sous-optimalité.
  • Passer du contrôle au lâcher-prise (accepter l'hétérogénéité).
  • Passer de la canalisation à l'autonomie locale (rendre les solutions réparables et adaptables par les citoyens).
Hamant cherche à remettre en cause le culte de la performance et de la croissance en montrant qu'elle est contre-productive dans un monde turbulent et incertain (mener au burn-out individuel et planétaire).

Le "ET pondéré" pour situer la Robustesse par rapport à la Performance

Il y a une nuance très importante à noter dans la comparaison faite par Olivier Hamant entre Robustesse et Performance et dans la critique qu'il fait du modèle dominant focalisé sur la performance : il ne dénonce pas une performance qu'il faudrait éradiquer, mais la culture, la domination, voire le diktat de la performance de notre société. 

Olivier Hamant affirme que notre obsession sociétale pour la performance s’apparente à une dérive sectaire, en ce qu’elle impose des normes rigides, exclut la diversité, et nie les vulnérabilités humaines.

Il parle de “secte de la performance” pour souligner le caractère dogmatique et excluant de ce modèle : comme dans une secte, il y a des croyances indiscutables (efficacité, rapidité, croissance), des rituels (évaluations, KPI, rankings), et des sanctions implicites pour ceux qui dévient (marginalisation, culpabilisation, burn-out). 

Balayer l'idée de performance pour imposer celle de la robustesse reviendrait à imposer une nouvelle secte : celle de la robustesse. Et telle n'est donc pas l'approche d'Olivier Hamant.

On peut s'appuyer sur la pensée complexe d'Edgar Morin, et en particulier le principe dialogique pour positionner robustesse et performance selon Olivier Hamant. 

Le principe dialogique est la capacité à maintenir ensemble, de façon non réductrice, des notions qui sont à la fois complémentaires et antagonistes.

J'utilise ici l'appellation "ET pondéré", en alternative à ce que j'appelle le "grand méchant OU", pour considérer les situations où l'on veut cultiver une valeur, en s'autorisant à utiliser avec parcimonie une valeur antagoniste quand c'est nécessaire. On peut ainsi comparer 3 postures :

  • Le "CONTRE" (Performance vs Robustesse) : C'est l'état que critique Hamant. On a tout misé sur la performance, en opposition à la robustesse (qu'on voit comme un coût, une surcharge, une inefficacité).
  • Le "grand méchant OU" (Performance ou Robustesse) : C'est un choix binaire, simpliste. "Dois-je être performant ou robuste ?"
  • Le "ET pondéré" (Culture de la robustesse avec ce qui est nécessaire de performance) : C'est la voie de la complexité. Le système doit être fondamentalement robuste (c'est sa base, sa priorité) et, sur cette base, il peut se permettre d'intégrer de la performance de manière ciblée, maîtrisée et non-hégémonique.

L'Archipel imbriqué thématique de la robustesse et de la bienveillance

"Rien de trop"

Texte qui était gravé sur le fronton du Temple de Delphes 

 "Le mieux est l'ennemi du bien"

Montesquieu, puis Voltaire 

Il m'a semblé pertinent d'essayer de faire des rapprochements avec quelques approches dont la plupart ont également un caractère disruptif, et qui évoquent des duos différents mais qui interrogent aussi diversement la robustesse et la sagesse, avec le prisme de la bienveillance.

De ce travail d'analyse, et en lien avec mon initiative Bienveillance en archipels, émerge un ensemble d' archipels imbriqués thématique de la Robustesse et de la Bienveillance. Il est constitué de 3 archipels qui interagissent et peuvent/pourraient se renforcer mutuellement, à l'intérieur de chaque archipel et à l'intérieur de l'archipel englobant. 

1. L'archipel de la sagesse systémique (L'échelle du collectif et du vivant)

Ce bloc définit la Robustesse comme une condition de viabilité globale et une critique du modèle de croissance illimitée et irrespectueux du vivant en général (humains et autres qu'humains).
  • Robustesse vs. Performance (Olivier Hamant) : L'ancrage de l'archipel dans la nécessité de choisir la plasticité et la diversité du vivant face à l'homogénéisation fragile.
  • Résilience vs. Illusion de Maîtrise (Arthur Keller) : L'acceptation du risque et le retour à la simplicité et l'autonomie locale face à la complexité qui mène à l'effondrement.
  • Entraide vs. Compétition (Pablo Servigne) : La reconnaissance que l'Entraide est le principe fondamental de la robustesse collective et que la compétition est le moteur de l'optimisation.
  • Sobriété Heureuse vs. Croissance Illimitée (Pierre Rabhi) : Le cadre éthique qui valorise la suffisance et la conscience des limites, réduisant la dépendance aux systèmes fragiles.
  • Résonance vs. Accélération (Hartmut Rosa) : la robustesse naît de notre capacité à entrer en résonance avec le monde : non pas le maîtriser ou s’y protéger, mais nous laisser affecter, répondre et être transformés, dans une relation vivante et bienveillante.
  • Présence vs. Téléchargement (Théorie U - Otto Scharmer) : Devenir robuste, c’est apprendre à écouter le futur émergent : suspendre le contrôle, se relier profondément aux autres, agir depuis un espace d’ouverture et de présence bienveillante, pour que le changement soit co-créé plutôt qu’imposé.
  • Autogouvernance vs. Contrôle (Organisations Opales - Frédéric Laloux) : la robustesse collective repose sur des organisations qui cultivent confiance, autonomie et sens partagé : des structures où la bienveillance n’est pas un supplément moral, mais la condition d’une évolution organique et durable.
  • Antifragilité vs fragilité (Nassim Nicolas Taleb) : La reconnaissance que si le choc arrive, la meilleure réponse est le développement (vu comme une opportunité donnée par la crise). La nécessité de la bienveillance est un garde-fou indispensable contre le risque éthique (le cynisme et les accrocs à la bienveillance) de cette quête de gain qui peut dériver vers une quête de la performance

Auteur

Concepts comparés

Rapport à l’incertitude / aux erreurs

Finalité recherchée

Risque associé

Image / métaphore

Olivier Hamant
(La robustesse du vivant vivant, La troisième voie du vivant)

Performance vs Robustesse (au sens vivant)

- Performance : optimisation, homogénéisation, vulnérabilité accrue- Robustesse vivante : plasticité, diversité, variabilité, transformation par les perturbations

Capacité à durer et évoluer dans le changement

Système trop optimisé = effondrement à la moindre perturbation

Permaculture vs monoculture

Arthur Keller
(Résilience)

Illusion de Maîtrise (Complexité/Optimisation) vs
Résilience (Autonomie/Sobriété)

Illusion de Maîtrise : Suroptimisation des flux tendus, négligence des réserves. Résilience : Acceptation du risque, retour à la simplicité et à l'autonomie locale.

Retrouver la viabilité systémique face à la vulnérabilité globale due à la complexité.

Effondrement des systèmes trop interdépendants et trop complexes.

Le phare qui continue de fonctionner après une tempête mondiale.

Pablo Servigne (L'entraide, l'autre loi de la jungle, Le réseau des tempêtes)

Compétition vs Entraide

Compétition : force motrice de l'optimisation (fragilisante). Entraide : principe organisateur fondamental de la robustesse collective.

Assurer la viabilité systémique et la survie collective par la coopération et la redondance.

L'individualisme fragilise l'ensemble face à un choc systémique.

Les fourmis construisent un radeau par coopération.

Pierre Rabhi (Philosophie/Agroécologie)

Croissance Illimitée vs Sobriété Heureuse

Croissance Illimitée : Surexploitation des ressources, négation des limites. Sobriété Heureuse : Conscience des limites, recherche de l'autonomie et de l'autosuffisance.

Atteindre la plénitude par la conscience de la suffisance, réduisant la dépendance aux systèmes fragiles.

Épuisement des ressources et dépendance aux marchés volatiles.

Le Colibri fait sa part face à la forêt qui brûle.

Hartmut Rosa (Résonance)

Accélération vs Résonance

L'Accélération (Performance) mène à l'aliénation et à la rigidité. La Résonance (Robustesse) est une réponse du soi au monde qui crée de la connexion et du sens.

Créer une relation durable et vivante au monde, source d'énergie et de robustesse existentielle.

Perte de connexion, sensation d'aliénation et de rigidité.

La corde tendue (Accélération) vs l'écho juste (Résonance).

Théorie U
(Otto Scharmer)

Téléchargement vs
Présence/Faire émerger

Téléchargement (Rigidité/Passé) : action basée sur les schémas anciens. Présence (Robustesse) : capacité d'ouvrir l'esprit, le cœur et la volonté pour percevoir de nouvelles possibilités d'action.

Innover et agir à partir d'un futur émergent, renforçant la capacité d'adaptation collective.

Répéter les erreurs du passé par rigidité de pensée.

Le U : descendre dans la conscience pour remonter vers l'action nouvelle.

Frédéric Laloux
(Reinventing organizations/
organisations opales)

Contrôle/Prédiction vs
Auto-Gouvernance

Contrôle (Performance/Fragilité) repose sur la hiérarchie rigide et la prédiction. Auto-Gouvernance (Robustesse) est l'organisation vue comme un système vivant qui s'adapte par l'autonomie et le sens.

Atteindre la capacité d'auto-adaptation du système, lui permettant de prospérer dans le désordre.

Rigidité, lenteur à s'adapter, perte d'énergie.

La pyramide de contrôle vs l'organisme vivant.

Nassim Nicholas Taleb (Antifragile)

Fragile, Robuste, Antifragile

- Fragile : craint les chocs
- Robuste : encaisse sans gagner
- Antifragile : gagne grâce aux chocs

Croissance par le stress, expérimentation, essais-erreurs

Illusion de contrôle si on cherche trop à optimiser

L’hydre : on coupe une tête, deux repoussent

2. L'archipel de la régulation physioneurologique et psychologique (L'échelle du choix et de l'émotion)

Ce bloc explore les mécanismes internes de la robustesse, centrés sur la flexibilité et la régulation du stress.
  • Sam’suffit vs. Monsieur Plus (Barry Schwartz) : Le choix cognitif qui protège l'énergie et l'attention en visant une solution suffisamment bonne, et pas plus.
  • Optimaliste vs. Perfectionniste (Tel Ben-Shahar) : La gestion émotionnelle qui accepte l'erreur comme apprentissage pour construire une robustesse personnelle durable. Nous sommes ici dans le domaine de la psychologie positive.
  • Flexibilité vs. Rigidité Psychologique (Thérapie ACT) : L'art d'accueillir l'inconfort sans fusionner avec les pensées pour agir en accord avec ses valeurs (la robustesse rime avec la souplesse).
  • Cortex Cingulaire Antérieur vs. Striatum (Sébastien Bohler) : La régulation par le sens de la partie de notre cerveau (striatum) qui nous conduit à la dérive du "Tout de suite, encore, encore plus, sans limite et après moi le déluge"
  • Théorie Polyvagale et Fenêtre de Tolérance : La base biologique qui explique que la Robustesse est la capacité à maintenir le système nerveux dans la zone de sécurité optimale (Ventral).

Auteur

Concepts comparés

Rapport à l’incertitude / aux erreurs

Finalité recherchée

Risque associé

Image / métaphore

Barry Schwartz
(Le paradoxe du choix)

Monsieur Plus (Maximizer) vs Sam’Suffit (Satisficer)

- Monsieur Plus : veut la meilleure option, difficulté à choisir- Sam’Suffit : accepte « assez bien », agit

Action efficace sans surcharge mentale

Insatisfaction chronique si on « maximise »

Faire les courses avec 300 choix de confitures

Tal Ben-Shahar (L’apprentissage de la perfection)

Perfectionniste vs Optimaliste

- Perfectionniste : refuse l’erreur, souffre du jugement- Optimaliste : accepte l’erreur comme apprentissage

Bien-être durable et progression réaliste

Burnout, anxiété de performance

Échelle où chaque barre est une tentative

Thérapie ACT (Acceptance and Commitment Therapy)            

Rigidité psychologique vs Flexibilité psychologique               

- Rigidité : évitement de l’inconfort, fusion avec les pensées
- Flexibilité : accueil des émotions, action guidée par les valeurs

Agir avec discernement dans l’incertitude, aligné avec ses valeurs

Perte de sens, enfermement dans des schémas défensifs

Boussole intérieure : présence, valeurs, engagement

Sébastien Bohler

(Le bug humain, Où est le sens ?)

Striatum vs
Cortex Cingulaire Antérieur (CCA)

Striatum : Moteur de la recherche de gain sans fin (Performance). CCA : Moteur de l'anticipation et de la régulation (Robustesse).

Maintenir l'équilibre neurologique et réguler la soif du "Mieux".

Quête de gain obsessionnelle menant à la destruction des écosystèmes et de soi.

Le circuit de la récompense face au régulateur.

Théorie Polyvagale (Stephen Porges)

Sympathique/
Dorsal  
vs Ventral

Sympathique/Dorsal : états de lutte/fuite ou d'effondrement (Fragilité).
Ventral : état de sécurité, connexion (Robustesse émotionnelle).

Capacité de réguler le système nerveux pour rester en zone optimale d'apprentissage.

Blocage dans le stress (Sympathique) ou le figement (Dorsal).

Le frein et l'accélérateur du système nerveux.

Fenêtre de Tolérance
(Dan Siegel)

Hors de la Fenêtre vs Dans la Fenêtre vs

Hors de la Fenêtre : Hyper ou Hypo-activation (Fragilité).
Dans la Fenêtre : Zone optimale d'activation (Robustesse psychologique).

Action mesurée et capacité à traiter l'information sans débordement émotionnel.

Hyper-activation (anxiété, colère) ou Hypo-activation (épuisement, dissociation).

Le curseur d'un thermostat émotionnel.

3. L'archipel de la pratique corporelle (L'expérience de la robustesse au niveau individuel)

Ce bloc offre des applications concrètes de la robustesse physique, psychique et sociale individuelle, montrant que la robustesse est un état physique et dynamique.
  • Systema (Souplesse-Robustesse) : La preuve que l'efficacité en situation incertaine passe par le relâchement et l'absorption (souplesse) plutôt que par la force brute (rigidité).
  • Marche Japonaise (Alternance) : L'illustration que durer nécessite de la variabilité et des marges (le calme est un investissement) plutôt qu'une accélération constante.

Auteur

Concepts comparés

Rapport à l’incertitude / aux erreurs

Finalité recherchée

Risque associé

Image / métaphore

Systema
(Art Martial)

Force Brute vs Souplesse-Robustesse

La Force Brute (Performance) est rigide. La Souplesse permet d'absorber, de relâcher et de s'adapter au stress (Robustesse).

L'efficacité en situation incertaine par la gestion de l'énergie et la flexibilité corporelle.

Se figer et s'opposer au choc.

Le roseau plie mais ne rompt pas.

Marche Japonaise

Accélération Permanente vs Alternance

Accélération Permanente : optimisation sans réserve (Fragilité). Alternance : phase de calme créant de la marge et de la réserve (Robustesse).

Durer sur le long terme sans épuisement par la gestion des réserves et la variabilité du rythme.

L'épuisement par l'excès de performance constante.

Les cycles naturels de temps fort et temps faible.


Ces archipels forment l'esquisse d'une cartographie d'approches pour naviguer dans l'incertitude, en faisant le choix radical de tourner le dos à cette culture de la performance fragile qui traverse notre société, dans toutes nos sphères de vie. 
Un ensemble d'archipels, dont j'ai donné donc ici un embryon d'une partie de ma propre cartographie de mon voyage livresque et expérientiel, et qui mériterait d'être complété par d'autres voyageurs et d'autres îles qui se reconnaîtraient dans cet archipel.

Je liste rapidement et pêle-mêle d'autres îles qui mériteraient d'enrichir une telle cartographie : le mouvement de la transition, les incroyables comestibles, les repair cafés, la complexité selon Edgar Morin, les pédagogies coopératives (Montessori, Freinet, ...), l'écopsychologie, la CNV (Communication Non Violente), le co-développement professionnel, l'exploration appréciative, les communautés apprenantes, l'habitat participatif, la méditation en pleine conscience, sociocratie et holacratie, la démocratie contributive, ... autant d'îles qui parlent plus ou moins, et plus ou moins directement de robustesse et de bienveillance, en dénonçant le culte de la performance, de la croissance, de l'accélération, des intérêts particuliers, ...

Une cartographie collaborative pourrait être intégrée sur le site internet bienveillance-archipels.org, avec d'autres cartographies thématiques et avec une cartographie géographique pour repérer les acteurs qui pratiquent ou s'inspirent des approches.

Une conception robuste de la Bienveillance

Les éléments de modélisation présentés sur ce site rendent la bienveillance robuste parce qu’ils la pensent comme une relation vivante : ouverte et cadrée, attentive et lucide, douce et capable de dire non, en évolution et ancrée dans le réel.

La robustesse de la conception de la Bienveillance telle qu'elle est modélisée sur autourdelabienveillance.fr se joue à travers les éléments de modélisation suivants qui sont résumés dans le tableau ci-dessous. 

Élément de modélisation

Contribution à la robustesse

Les 3 enjeux de la Bienveillance
(faire le bien, ne pas faire le mal, signaler et faire face au mal)

Robustesse par la clarté : Permet d’articuler des pôles en tension (tolérance/intolérance, autonomie/cadre, douceur/fermeté…), évitant les excès unilatéraux. Il rend la bienveillance ajustable, contextuelle et vivante.

L’échelle en 3 segments (bienveillance / absence de bienveillance/ malveillance)

Robustesse par la responsabilité : Introduit une zone grise souvent ignorée, permettant un discernement fin, une responsabilisation des postures passives et la prévention de la non bienveillance

Les 4 dimensions indissociables (Moi Je / Vous en Moi / Moi dans des Nous / Toi et Moi)

Robustesse structurelle : Assure une cohérence systémique de la bienveillance, du personnel au collectif. Elle évite les déséquilibres et les angles morts, et en particulier la vigilance au surengagement

La stratégie coopérenne

Robustesse relationnelle : Propose une coopération durable et indulgente, capable de traverser les tensions sans rupture. Elle favorise la robustesse  relationnelle face aux tensions.

La prévention et gestion des tensions

Robustesse régulatrice : Fait des tensions des signaux de vitalité plutôt que des dysfonctionnements. Elle renforce la capacité d’ajustement et de réparation. Elle favorise la durabilité des relations.

Le processus en verbes (observer – penser – ressentir – décider – s’exprimer – agir)

Robustesse de l'action : Offre une grammaire opérationnelle de la bienveillance, permettant de ritualiser les postures et d’éviter les automatismes délétères.

La relation transformatrice et ses 7 dynamiques
fait grandir les personnes et le lien

Robustesse évolutive : Ce qui se transforme résiste mieux à l’usure et à la complexité. Distribue les responsabilités dans la relation, favorise la co-construction, la régulation mutuelle et l’évolution partagée.

La grille des responsabilités
(11 + 10 points)

Robustesse de lucidité : Rend visibles les gestes de bienveillance, permet de stimuler, valoriser ou ajuster les postures sans jugement.

La réciprocité de bienveillance dans les relations asymétriques

Robustesse structurelle : Permet une bienveillance mutuelle adaptée aux rôles et aux contextes (parent-enfant, élu-citoyen…), sans exiger pour autant une symétrie qui serait irréaliste.

La vision fractale et transposable

Robustesse structurelle : Chaque outil ou principe peut être appliqué à toutes les échelles (individu, groupe, territoire), assurant une cohérence d’ensemble.


Plus de détails sont donnés dans la page Une conception robuste de la Bienveillance.

Des piliers de la robustesse avec le prisme de la bienveillance

Je propose ci-dessous des piliers pour le développement et le maintient de la robustesse en croisant la conception de la robustesse d'Olivier Hamant, ma modélisation de la bienveillance en 4 dimensions indissociables et réplicables, la théorie polyvagale et la fenêtre de tolérance.

Voici une liste de proposition de piliers de la robustesse avec le prisme de la bienveillance organisée en 4 catégories. Cette page est en mode "vivant" et est susceptible d'évoluer dans le temps. A ce jour, ils sont au nombre de 16, sachant que le nombre importe peut. Même si je les présente comme un tout avec une influence mutuelle, il faut les voir comme autant de fils à tirer par la lectrice ou le lecteur :
  • Un cadre :
    • 1) La Bienveillance en 4 dimensions indissociables et réplicables qui constitue le châssis
  • Des postures 
    • 2) Le Temps régulateur, comme condition sine qua non
    • 3) La Joie, comme énergie vitale
    • 4) La Curiosité moteur infatigable d’exploration et de renouvellement
    • 5) La Lucidité et l'Humilité pour une conscience incarnée
    • 6) La Tempérance en antidote à la culture de la performance et à la fuite en avant
    • 7) L'Acceptation pour absorber les inévitables fluctuations
    • 8) Le Contentement en tant qu'ancrage émotionnelfaisant appel à l'appréciation, la gratitude et la reconnaissance
  • Un pont de décision :
    • 9) La Respiration régulatrice comme outil d'ancrage
    • 10) L'Ecoute vivante comme pont relationnel
    • 11) Le Discernement comme boussole
    • 12) L'Engagement juste en tant que régulateur d'énergie
  • Des dynamiques :
      • 13) L'Improvisation vivante comme source de spontanéité et de créativité
      • 14) L'Interdépendance vivante dans la coopération et l'entraide
      • 15) La Régulation comme dynamique de création de sécurité et de soutien
      • 16) L'Apprentissage adaptatif comme dynamique de plasticité permettant d'apprendre, de reconnaître, de réguler et d'évoluer
    Ces piliers sont interdépendants, se nourrissent et se renforcent mutuellement. Par exemple, l'apprentissage adaptatif est favorisé par la curiosité, et l'engagement juste par la lucidité et l'humilité.
    Ils sont présentés plus en détails dans la page Des piliers de la robustesse avec le prisme de la bienveillance.

    Le cercle vertueux Bienveillance - Coopération - Robustesse

    Pour Olivier Hamant, la culture de la performance induit celle de la compétition, qui elle-même induit celle de la violence (Performance  Compétition  Violence). J'ajoute pour ma part que performance pose comme hypothèse une condition humaine non fiable, et induit de la défiance qui elle-même induit de la triche et le contournement des moyens de contrôle installés dans le cadre du système de défiance. 
    De ce fait s'installe un cercle vicieux et une fuite en avant dans les dispositifs de contrôle qui visent à rendre plus robuste alors qu'en réalité, les organisations deviennent de plus en plus fragiles, et notamment par la dégradation de la santé physique, psychique et sociale et du duo motivation/engagement. On a ainsi : 

    Performance  Compétition  Violence   Fragilité

    La culture de la robustesse peut, elle, instaurer un cercle vertueux où chaque terme renforce l’autre.
    On peut le décrire ainsi :
    1. La bienveillance crée un climat de sécurité psychologique et sociale : chacun peut s’exprimer, expérimenter, se tromper sans crainte du jugement. → Cela favorise la coopération.
    2. La coopération permet de mutualiser les savoirs, les ressources et les forces. Le collectif devient capable d’absorber les aléas sans s’effondrer.
      → Cela renforce la robustesse du système.
    3. La robustesse, une fois installée, réduit le besoin de contrôle, de compétition et de domination. Le système devient plus stable, moins anxieux
      → Ce climat nourrit à son tour la bienveillance, car la peur et la méfiance diminuent, et à l’inverse la sérénité et la confiance se développent.
    Ainsi, le cycle se referme sur lui-même, en une spirale positive :

    Bienveillance Coopération Robustesse Bienveillance

    La bienveillance, la coopération et la robustesse se co-construisent mutuellement. Aucun de ces éléments ne domine l’autre.

    C’est une dynamique écologique et non compétitive, où la valeur d’un système ne réside pas dans sa performance maximale, mais dans sa capacité à durer, à apprendre et à préserver ses équilibres.

    Et bien entendu, le piège énorme serait de faire de ces éléments des objets de … performance ou d’objectifs, et encore pire, objets de mesures.

    En effet, à l’instar de la bienveillance, la robustesse n’est pas un état, ni une destination, ni même un objectif. C’est un cheminement, une écologie de la relation.

    Elle ne se construit pas dans l’isolement, mais dans l’échange, le dialogue, la tension féconde entre les différences.


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