Bienveillance et progrès

 

Ce travail pour relier bienveillance et progrès m'a été inspiré par le croisement de 3 sources :

Gilles Dupuis et Jean-Pierre Martel, chercheurs québécois en psychologie ont élaboré cette définition que j'ai l'habitude de qualifier de lumineuse depuis que je l'ai découverte en 2010 :



"La qualité de vie au travail, à un temps donné, correspond au niveau atteint par l’individu dans la poursuite dynamique de ses buts hiérarchisés à l’intérieur des domaines de son travail où la réduction de l’écart séparant l’individu de ses objectifs se traduit par un impact positif sur la qualité de vie générale de l’individu, sur la performance organisationnelle et, par conséquent, sur le fonctionnement global de la société."

De cette définition, ressort l'idée de bienfait des progrès : toute dynamique de progrès contribue à la réduction de l'écart séparant l'individu de ses objectifs, et donc en particulier à la qualité de vie générale de l'individu.

Par ailleurs, Theresa Amabile et Steven Kramer ont travaillé sur les bienfaits des progrès dans le monde du travail sur la vie intérieure des individus. Ils ont mis en évidence que l'organisation peut contribuer aux progrès par des actes délibérés pour faciliter le travail et aussi par de l'attention et du soutien moral à l'individu. Elle doit aussi réduire tout ce qui empêche/freine le travail bien fait et les comportements toxiques envers les individus au travail. Une étude qu'ils ont mené auprès de managers aux USA a montré qu'ils ont très peu conscience du rôle qu'ils peuvent jouer pour faciliter les progrès et des bienfaits que cela induit pour le bien-être psychologique des individus et pour la performance.

Et enfin, Frédéric Lenoir évoque à travers Spinoza l'importance de mettre la joie pour aborder des situations pour lesquelles on serait plutôt sous l'emprise d'affects négatifs. C'est ce qui a fait l'objet dans ma chronique précédente Y'a d'la joie dans la bienveillance !.

J'ai également repris les enseignements de mes travaux de modélisation sur la gratitude.

Je me suis inspiré particulièrement des travaux liés au Principe de Progrès (Progress Principle) et de schémas du livre que j'ai déclinés et enrichis de la façon suivante :



A partir de maintenant dans cette page, j'utilise sciemment la première personne du singulier pour faciliter l'appropriation par la lectrice/le lecteur. Ce faisant, je prends le parti de responsabiliser l'individu en première intention, tout en mettant en évidence le rôle des collectifs de travail pour penser cet enjeu autour des progrès et pour l'intégrer dans son fonctionnement. Il y a donc en filigrane l'idée de juste articulation des responsabilités à laquelle je tiens énormément. Je reprends la numérotation du schéma ci-dessus.

Pour avoir le sentiment de progresser, sentiment qui contribue fortement à mon bien-être psychique, je peux cumuler un certain nombre de facteurs facilitant. Certains sont de mon ressort, d'autres pas directement, mais je peux essayer de les stimuler.

En commençant par moi :

1/ Me mettre dans un affect positif, et particulièrement la joie. Si je suis plutôt dans un affect négatif (peur, colère, tristesse), j'ai tout intérêt à essayer de basculer dans un affect positif, tel que je l'ai évoqué dans ma chronique précédente. Il y a une deuxième dimension : la confiance en mes moyens et dans la faisabilité des objectifs ("J'ai bon espoir d'y arriver"). Comme pour l'enjeu de bascule dans la joie, il y a aussi le "travail" cognitif que je peux faire pour aborder objectivement l'action, à la fois par rapport aux moyens dont je dispose, et de la réelle difficulté de l'objectif de l'action. Le piège étant de tomber dans de la pensée positive exagérée (méthode Coué) me faisant considérer ma seule responsabilité et balayer d'un revers de main les problèmes. En effet, car si je sens qu'il me manque des moyens, du soutien, je peux signaler un besoin au collectif auquel j'appartiens (collectif de travail, famille, ...) (cf 3 ou 4) ou demander de l'aide à une personne ou des personnes individuellement (cf 5 ou 6). Il est bien entendu que quand on a tiré N fois la sonnette d'alarme sans aucune réaction, on n'a pas forcément envie de le faire une nouvelle fois.

2/ Me donner les moyens de mes ambitions. Je peux donc me préparer à l'action, en la planifiant, en vérifiant que je suis bien équipé pour la mener et pouvoir avancer suffisamment sereinement avec le sentiment de progresser.

Ensuite, il y a la contribution de mon collectif de travail :

3/ Mon collectif peut me faciliter les choses en m'équipant correctement, en m'apportant un appui méthodologique. Si c'est lui qui fixe l'objectif de l'action, il va grandement m'aider en m'associant à la construction de l'objectif et aux éventuelles régulations nécessaires, en tant que collectif bienveillant et dans la conscience de son rôle de bienveillance. S'il ne l'est pas - autant -, il est de ma responsabilité de signaler mes tensionsLa sienne étant alors d'accuser réception et d'essayer de répondre à mes besoins, et de préférence en m'associant et non en m'infantilisant. Ce sont des actes délibérés de mon collectif facilitant mon action ("facteurs catalyseurs", selon le Principe de Progrès). Penser les facteurs catalyseurs, c'est aussi analyser à l'inverse les facteurs inhibiteurs (selon le Principe de Progrès) et les réduire : tout ce qui m'empêche et me freine, y compris les petites choses qui agacent au quotidien (image du petit caillou dans la chaussure).

4/ Mon collectif peut aussi me soutenir, m'encourager, m'écouter, me comprendre, me montrer tous les signes que je lui suis précieux, que ce que je suis, ce que je fais, l'énergie que je donne sont appréciés. Si ce n'est pas le cas, il est de ma responsabilité de signaler mes besoins en la matière. Des gestes de soutien à mon égard qui ne sont peut-être pas prodigués par manque de temps et non par malveillance à mon égard. Tout ce qui peut être fait par mon collectif en la matière constitue l'attention et le soutien moral qu'on m'apporte ("facteurs nourriciers", selon le Principe de Progrès). Penser les facteurs nourriciers, c'est aussi analyser à l'inverse les "toxines" (selon le Principe de Progrès) et les réduire : tous les propos, les gestes qui sont - perçus - malveillants.

La juste contribution de mon collectif relève en première intention d'une politique ambitieuse de Qualité de Vie au Travail (QVT), en lien avec les parties prenantes (individus au travail, clients, fournisseurs, partenaires). Elle se conjugue avec une gestion des tensions permettant à tout à chacun d'exprimer une tension, d'être écouté et de voir sa tension prise au sérieux et investie en vue de sa résolution.

Il y a également la contribution de personnes individuellement (voire à plusieurs sans pour autant représenter un collectif) :

5/ Il s'agit de l'équivalent du point 3, à un niveau individuel : un acte délibéré d'une ou plusieurs personnes facilitant mon action (constituant aussi des facteurs catalyseurs). Ce peut être une aide méthodologique, la prise en charge d'une partie de l'action, le prêt d'un équipement qui serait plus efficace que le mien, ... L'aide peut provenir éventuellement d'un pair extérieur au collectif (ex : camarade de promotion)

6/ Il s'agit maintenant de l'équivalent du point 4, à un niveau individuel : l'attention et le soutien moral d'une ou plusieurs personnes (facteurs nourriciers). A noter que ces personnes peuvent être extérieures au collectif de travail (famille, amis, camarades de promotion, ...)

Ensuite, il y a ma conscience de ce en quoi on me facilite les choses, et de ses suites :

7/ Les actes délibérés facilitant mon action, qu'ils proviennent de mon collectif ou de personnes individuellement méritent que je prenne en considération qu'ils contribuent positivement à mon bien-être psychique. Des actes qui sont soit de leur initiative soit consécutifs à une demande de ma part. La prise de conscience de cette facilitation non seulement me fait du bien mais va renforcer ma chance de mener à bien mon action. Appréciation et gratitude sont deux émotions positives que je peux vivre en moi. Et pour compléter ce processus énergisant, je peux exprimer de la gratitude à propos de la facilitation qui m'est faite, avant même que l'action commence ou à son début. Une gratitude d'autant plus appropriée quand il s'agit de gratifier suite à une demande de ma part (sinon, cela n'incitera pas à être bienveillant avec moi une prochaine fois). Une gratitude qu'il sera bien vu de renouveler lors des progrès (cf point 9).

8/ Il s'agit exactement du même enjeu que pour le point 7/, mais cette fois pour le soutien moral reçu : la considération de l'attention et le soutien moral que je reçois, que ce soit du collectif ou de personnes individuellement. Et de ses suites en matière d'appréciation, de gratitude et d'expression de la gratitude.

Ce sont autant de gestes qui me font apprécier le collectif dans lequel je vis et qui cultivera la relation que j'ai avec mon collectif et avec les personnes qui me soutiennent. La joie de vivre au sein du collectif et/ou avec des personnes bienveillantes avec moi. Avec un juste retour : ma propre bienveillance envers mon collectif et les personnes bienveillantes avec moi (idées de réciprocité et de gagnant-gagnant).

Enfin, il y a la conscience des progrès réalisés, et de ses suites :

9/ Dans une société où tout s'accélère, où l'on juge trop facilement et trop rapidement, où l'on trouve que reconnaissance ne rime exclusivement qu'avec excellence (mais pas avec perfection parce que ça ne rime à rien ;)), il y a un véritable enjeu à savoir prendre conscience des progrès, des petits pas, des réussites, du beau geste, de la résolution de problèmes, des apprentissages lors d'un échec, ... Il y a là aussi plusieurs responsabilités : ma conscience des progrès, la conscience de mon collectif et la conscience de mes pairs (quelques fois on veut peut-être à tort absolument ajouter dans la boucle sa famille, et notamment son conjoint et/ou ses parents). Un enjeu étant de trouver un bon alignement entre les résultats de l'analyse des 3 catégories d'acteurs. 

Et c'est là qu'il faut évoquer la notion de feedback avec 3 situations qui collent plutôt bien avec mon échelle de la bienveillance avec ses 3 segments bienveillance/absence de bienveillance/malveillance :
  • le feedback positif (carrément positif, ou constructif dont il faut savoir apprécier la substantifique moëlle) ;
  • l'absence de feedback, souvent due au manque de temps et/ou à l'absence de conscience de l'importance de faire vivre suffisamment de feedbacks positifs (notion de ligne de Losada cf mon article Nourrir en retour) ;
  • le feedback négatif qui peut-être d'autant plus destructeur quand il s'attaque à moi ("Tu es nul·le !") dans mon être (critique inconditionnelle) et non pas à l'action ("Ton projet est en retard !") (critique conditionnelle).
Prendre conscience de mes progrès me met dans la joie et renforce mon estime de moi et la confiance en moiElle fait partie indéniablement des enjeux centraux de la QVT : la fierté du travail bien fait
Faire preuve d'humilité (dont une dose de lucidité), sait me faire attribuer une part de mes progrès à la facilitation et le soutien que j'ai pu recevoir (3, 4, 5 et 6). Et cette prise conscience me fera donc non seulement ressentir de la joie, mais aussi de l'appréciation de ce que mon collectif et des personnes ont fait pour moi et de la gratitude envers eux
Ensuite, pour un juste retour des choses, je saurai trouver les bons gestes pour exprimer ma gratitude (les mots pour le dire ou l'écrire, la réciprocité). Et auquel cas, ma fierté du travail bien fait se conjuguera avec la fierté d'appartenir à mon collectif

On voit alors en quoi cela constitue un cercle vertueux et une approche gagnant-gagnant, non seulement pour ma QVT et ma qualité de vie (avec un impact positif sur mes autres sphères de vie), mais aussi pour mon collectif et pour la relation qui nous unit, et qui m'unit particulièrement avec des personnes bienveillantes à l'intérieur de mon collectif.

Alors, donnons-nous le temps de nous faciliter la réalisation de nos actions et la conscience des progrès !

Ce que je viens de présenter pour la sphère professionnelle, peut facilement être décliné pour la sphère familiale et la sphère de la vie sociale, et notamment pour le bénévolat dans une association.

Voici ci-dessous un court résumé des 9 points évoqués dans cette page.




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