Les états chroniques de survie : Un coût physique et mental très élevé

 

Dans les états sympathique et vagal dorsal selon la théorie polyvagale du Dr Stephen Porges, le cerveau est moins en mesure de rétroagir pour réparer ou réguler les processus internes, notamment l'inflammation. Cela est dû à l'altération de la communication bidirectionnelle entre le cerveau et le corps, via le nerf vague, dont 80% est consacrée au sens corps-cerveau (fibres afférentes) et 20% au sens cerveau-corps (fibres efférentes). Un peu comme si sur une autoroute, un sens de circulation comportait 2 voies, et l'autre sens 8 voies.

Dans les deux états de survie, le cerveau est moins réceptif aux signaux afférents transmis par le nerf vague, y compris ceux liés à l'inflammation des organes. C'est une conséquence directe de la prédominance de l'état d'urgence.

L'axe neuro-inflammatoire et le nerf vague

Le nerf vague est un acteur clé de la communication bidirectionnelle entre le cerveau et le système immunitaire. Il transmet notamment des signaux d'inflammation au cerveau pour qu'il puisse y répondre. C'est ce qu'on appelle le réflexe inflammatoire.

1. Détection de l'inflammation : Les cellules immunitaires dans le corps, comme les macrophages, détectent une infection ou une blessure et libèrent des cytokines pro-inflammatoires.
2. Transmission vagale : Les fibres afférentes du nerf vague détectent ces cytokines et transmettent l'information au tronc cérébral.
3. Réponse du cerveau : Le cerveau traite l'information et active une réponse anti-inflammatoire en envoyant des signaux efférents (descendants) via le nerf vague pour réduire l'inflammation et rétablir l'équilibre.

C'est cette 3ème étape qui se trouve largement inhibée dans les états sympathique et vagal dorsal. Le corps perd sa capacité à l'homéostasie et à la réparation. Momentanément, c'est sans conséquence. En revanche, quand ces états sont actifs longtemps, les impacts sont conséquents comme je vais le décrire ci-après.

Zoom sur l'état sympathique

La priorité à la survie immédiate

Dans l'état sympathique, la priorité est la survie active (lutte ou fuite). Le cerveau se concentre sur les fonctions nécessaires à l'action immédiate, comme la vigilance et la mobilisation musculaire. La boucle de rétroaction du nerf vague, qui permet au cerveau de détecter et de moduler les réponses inflammatoires, est temporairement inhibée. Le corps ne peut pas se permettre d'allouer de l'énergie à la réparation ou à l'immunité quand il est en danger imminent. Si cet état persiste (stress chronique), cela peut entraîner un état inflammatoire chronique car le système anti-inflammatoire du nerf vague n'est pas activé.

Les impacts négatifs de l'état sympathique chronique sur la santé

Lorsque le système sympathique est constamment activé, le corps est en état de mobilisation permanente. Cela a des conséquences directes sur la santé physique :

• Problèmes cardiovasculaires : L'accélération du rythme cardiaque et l'augmentation de la pression artérielle, conçues pour être temporaires, peuvent, à long terme, causer de l'hypertension et augmenter les risques de maladies cardiaques.
• Problèmes digestifs : La digestion est ralentie ou suspendue, ce qui peut mener à des troubles gastro-intestinaux tels que le syndrome du côlon irritable, les ulcères ou les reflux.
• Affaiblissement du système immunitaire : Le corps redirige son énergie vers la survie, affaiblissant ainsi sa capacité à combattre les infections et à se protéger des maladies.
• Inflammation chronique : Comme nous l'avons vu, la boucle de rétroaction anti-inflammatoire du nerf vague est inhibée. Cela peut favoriser une inflammation chronique qui est liée à de nombreuses maladies, du diabète aux maladies neurodégénératives.

J'ajoute que les impacts concernent aussi la santé mentale car notamment 95% de la sérotonine (neurotransmetteur régulant l'humeur) est produite par l'activité digestive. Or, une activité digestive inhibée ou ralentie affecte la production de la sérotonine.

État vagal dorsal

L'immobilisation protectrice

L'état vagal dorsal est une réponse de survie passive (figement). Le cerveau et le corps entrent en mode "mise en veille". La communication est réduite au minimum pour se protéger d'un traumatisme psychique et physique. Les signaux sensoriels, y compris ceux liés à l'inflammation, sont amortis pour réduire la sensation de douleur et de détresse.  Le cerveau ne reçoit pas les informations nécessaires pour initier une réponse réparatrice, car la priorité est la préservation de la vie au détriment des fonctions régulatrices.

Les impacts négatifs de l'état vagal dorsal chronique sur la santé

Le "figement" est une réaction de survie qui, si elle persiste, peut également causer de sérieux problèmes physiques et mentaux :

• Dépression du métabolisme : L'état vagal dorsal est un mode de "mise en veille". Un ralentissement persistant du métabolisme peut affecter les fonctions corporelles essentielles et entraîner une fatigue chronique.
• Problèmes de santé mentale : Un sentiment de déconnexion du corps et de l'environnement est souvent associé à l'état vagal dorsal et peut mener à la dépression, à l'anxiété et au trouble de stress post-traumatique (TSPT).
• Anomalies physiologiques : L'état de figement peut entraîner un rythme cardiaque et une pression artérielle anormalement bas, et un engourdissement physique.

Conclusion

Dans ces deux états de survie, le cerveau sacrifie la capacité à "réparer" pour se concentrer sur l'urgence. La capacité du cerveau à rétroagir pour réguler et maintenir l'équilibre (homéostasie) n'est rétablie que lorsque le système nerveux passe en état de sécurité, dominé par le nerf vague ventral myélinisé. 

Toute station prolongée dans un de ces deux états, ou en yoyo entre ces deux états peut avoir des impacts considérables sur la bonne santé physique, psychique et sociale. 

Remonter dans l'état de sécurité vagal ventral dans les situations d'état chronique de survie est donc un enjeu sanitaire, aussi bien au niveau personnel que sociétal.