Réciprocité et reconfiguration bienveillante des relations


Cette page développe l'idée de Réciprocité et reconfiguration bienveillante des relations introduite dans la page 7 dynamiques indissociables de responsabilité dans une relation transformatrice, qui présente deux modélisations, dont une mettant en évidence 11 + 10 points de responsabilité de bienveillance.

La réciprocité d'engagement

La réciprocité d'engagement - à l'inverse d'une réciprocité de symétrie - ancre l'idée que chaque pôle de la relation contribue à l'écologie de la relation selon sa capacité et son rôle.

1/ Chacun joue sa partition

Dans une relation de parité, chacun investit la bienveillance à sa manière, selon son histoire, sa capacité à exprimer ses émotions, son énergie, ... C'est la conjugaison de pratiques semblables et de complémentarités où chacun met ses forces au service de l'autre, de la relation et de soi-même.

Dans une relation asymétrique (Parent-Enfant, Manager-Employé, Soignant-Patient), les attentes et les actions de bienveillance ne peuvent être les mêmes. L'acteur "dominant" a la responsabilité d'une bienveillance structurelle (assurer la sécurité, le cadre, la ressource), tandis que l'acteur "dépendant" a la responsabilité d'une bienveillance qui est souvent plus réactive ou émotionnelle (accepter le soin, exprimer un besoin, faire l'effort de coopération). La grille des 11 points lui permet d'élargir ses dynamiques de bienveillance, en se positionnant en vrai acteur et co-constructeur de la relation.

2/ L'investissement, non la contrepartie

La réciprocité n'est pas un échange strict (je te donne X, tu me donnes X en retour). Pas de comptabilité, pas de donnant-donnant, pas de relation miroir. C'est un investissement personnel dans la qualité du lien : chacun met dans la relation ce qu'il peut, en fonction de son rôle et de ses moyens.

C'est l'addition de ces investissements spécifiques vus non pas comme des obligations, mais comme de justes et naturelles contributions, qui crée une relation transformatrice par la bienveillance.

3/ L'écologie de la relation :

Ce concept connecte ici intimement à l'écologie : l'écosystème relationnel ne demande pas que chaque élément soit identique, mais que chacun joue son rôle essentiel pour maintenir l'équilibre global. 

La "bienveillance de l'enfant" ou la "bienveillance du patient" est vitale pour la santé du lien, même si sa forme est différente de celle du parent ou du soignant.

Exemple de reconfiguration bienveillante : une relation Parent - Ado

La modélisation en 11 points de responsabilité permet de reconfigurer une relation qui pourrait être figée et non satisfaisante entre un (des) parent(s) et un adolescent.

Les deux tableaux qui suivent permettent de considérer la diversité des dynamiques à investir pour reconfigurer de manière bienveillante la relation et en faire une relation transformatrice, épanouissante pour chacun des parties, avec des bénéfices collatéraux certains pour les écosystèmes tout autour.

A noter que chaque cellule du tableau mérite d'être développée et déclinée pour chaque relation singulière. Ces deux tableaux peuvent être utilisés comme base de réflexion de reconfiguration d'une relation décidée par un (des) parent(s) et l'adolescent.

Côté Parent



Côté Ado


Une déclinaison mérite d'être réalisée pour un enfant de plus jeune âge, en considérant à partir de quel âge un enfant peut être mis en situation de co-construction implicite et explicite de la relation parent-enfant. Ce point sera développé dans un contenu à venir, en le reliant avec la psychologie du développement.

Attention à l'asymétrie comme prétexte au conservatisme !

Face à une dynamique de reconfiguration bienveillante de relation, existe un risque psychologique et social majeur : la conservation du pouvoir par l'immobilisme relationnel.

L'asymétrie devient un prétexte au conservatisme lorsque l'acteur dominant utilise sa position pour geler la conception de la relation, empêchant ainsi toute évolution vers la réciprocité d'engagement.

Le risque de conservatisme relationnel

1/ L'unilatéralité justifiée

Le dominant s'appuie sur l'asymétrie factuelle (autorité légale, expertise, maturité) pour justifier une bienveillance unilatérale. La formule implicite devient : "Je suis bienveillant envers toi, mais ton idée de bienveillance envers moi est hors de propos."

Cela permet au dominant d'ignorer les dynamiques qui lui sont désagréables ou qui exigent un effort de remise en question (par exemple, la responsabilité réactive de l'élu de valoriser la bienveillance de l'administré).

2/ L'exclusion de la co-construction :

Le conservatisme se manifeste par le rejet de la co-conception et de la culture commune de la relation (point central des deux modélisations). La relation est vécue comme un contrat "imposé"("Voici comment je te soigne/je te gouverne/je t'enseigne/je t'éduque") plutôt que comme un lien vivant à cultiver ensemble.

Plus l'acteur dominé est dépendant (l'enfant, le patient fragile, l'administré démuni), plus l'acteur dominant se sent "autorisé" à court-circuiter l'idée que le dominé a une partition de bienveillance à jouer, même s'il s'agit simplement d'accepter le soin et de jouer son propre rôle dans le soin.

Les Conséquences pour l'Écologie de la Relation

Le conservatisme détruit la qualité de la relation en agissant sur les trois zones d'attention de manière négative :
  • Fragilisation de la relation : La bienveillance devient une charge pour le dominant et une obligation passive pour le dominé. Le lien s'érode faute d'investissement mutuel, entraînant cynisme chez l'administré ou épuisement chez le soignant/parent. En notant que l'épuisement peut conduire physiologiquement à de la maltraitance par la perte des capacités d'empathie (cf Relier Bienveillance, Théorie Polyvagale, Thérapie ACT et Psychologie Positive).
  • Épuisement du Dominant : En refusant la réciprocité d'engagement, le dominant se place dans une position de source inépuisable. Il refuse d'être soutenu par l'acceptation ou la valorisation de l'autre, ce qui conduit à l'épuisement professionnel (pour l'élu ou le soignant) ou parental.
  • Déni de contribution du Dominé : L'acteur dépendant est réduit à un rôle passif. En ne reconnaissant pas sa partition de bienveillance, on lui retire son pouvoir d'agir, ce qui est contre-productif pour son autonomie et sa croissance.

La modélisation des 11 dynamiques indissociables est précisément l'antidote à ce conservatisme. Elle invite l'acteur dominant à reconnaître et à stimuler la partition de bienveillance, si minime soit-elle, de l'acteur dépendant, transformant ainsi l'asymétrie stérile en un moteur de croissance partagé.

Elle invite aussi l'acteur dépendant à affirmer - avec bienveillance - son souhait, voire son aspiration - à une reconfiguration bienveillante de la relation.

Développement d'une conscience et d'une voix collectives

Si l'acteur dominant est enclin au conservatisme relationnel, l'acteur dépendant a besoin de stratégies pour pouvoir exprimer son besoin de réciprocité et de co-construction.

La nécessité du travail générique et collectif

Exprimer un souhait de reconfiguration de la relation directement au dominant est souvent difficile, voire risqué, pour l'acteur dépendant (que ce soit un enfant face à un parent rigide, un patient face à une institution ou un administré face à un élu).

Pourquoi le travail générique est plus efficace :

  • Désindividualisation de la plainte ou de la demande : Travailler la question avec d'autres personnes dans la même situation (par exemple, un groupe de parents d'élèves, un collectif de patients, une association d'administrés) permet de transformer une "plainte personnelle" en une "revendication légitime et systémique". L'acteur dépendant se rend compte que son vécu n'est pas une anomalie individuelle, mais le symptôme d'une structure relationnelle asymétrique figée.
  • Acquisition d'un langage commun de la bienveillance : En coopérant, les acteurs apprennent à utiliser un langage et un cadre d'analyse partagés, comme celui des différentes modélisations de ce site internet, et notamment pour la reconfiguration de relation, les deux modélisations (7 dynamiques et 11 points). Ils peuvent alors formuler leur besoin non pas comme un reproche émotionnel, mais comme un déficit de bienveillance précis au regard d'une dynamique (par exemple : "Il y a un manque dans la responsabilité réactive de valorisation de notre engagement citoyen").
  • Renforcement de la contribution : Le travail collectif redonne du pouvoir d'agir à l'acteur dépendant et investit la coopération et la solidarité. L'union crée un contre-pouvoir qui rend la position conservatrice du dominant plus difficile à maintenir. Cela rend le dominant moins enclin à ignorer ou à balayer d'un revers de main la demande de co-construction qui lui apparaîtrait impensable ou inopportune.

Le rôle central de la coopération dans la transformation

Le modèle de la relation transformatrice s'élargit ainsi de l'axe interpersonnel/inter-collectif à un axe intra-collectif :

  • Entre dominés (Coopération) : La coopération permet de construire la capacité d'exprimer son besoin de bienveillance réciproque.
  • Entre dominé et dominant (Co-construction) : L'expression collective de ce besoin peut forcer l'acteur dominant à envisager la reconfiguration de la relation, car le coût du conservatisme (cynisme généralisé, défection, opposition structurée) devient trop élevé.

C'est une reconnaissance que la bienveillance envers soi-même pour l'acteur dépendant passe souvent par le collectif : trouver la force, le soutien et les outils pour jouer sa propre partition. C'est l'essence même d'une écologie relationnelle saine, où les éléments les plus fragiles se soutiennent pour garantir l'équilibre global.

La reconfiguration bienveillante pour tout type de relation

La Reconfiguration Bienveillante de la Relation est une démarche nécessaire et vitale pour tout type de relation, car elle vise à contrecarrer deux phénomènes universels et délétères conduisant à des déséquilibres :

1/ Reconfiguration structurelle

Celle-ci s'applique aux relations qui sont déséquilibrées par essence ou par leur structure fondamentale (ex: Parent-Enfant, Enseignant-Elève, Soignant-Patient, Manager-Employé, Elu-Administré, ...).
  • Objectif : Intégrer la réciprocité d'engagement dans une structure asymétrique immuable. Il ne s'agit pas de supprimer l'asymétrie de pouvoir ou de responsabilité (le parent reste le garant), mais d'établir que chacun a une partition de bienveillance vitale à jouer.
  • Mécanisme : Définir, clarifier et faire évoluer ensemble les rôles de bienveillance pour chacun des deux acteurs  (ex: la responsabilité du patient d'accepter le soin, la responsabilité de l'enfant d'exprimer son besoin).
  • Résultat : Une relation asymétrique saine, où l'acteur dominant est soutenu par l'engagement de l'acteur dépendant, évitant l'épuisement et le conservatisme.

2. Reconfiguration corrective 

Celle-ci s'applique aux relations qui étaient symétriques à l'origine mais qui sont devenues déséquilibrées par le développement de jeux de pouvoir, de jeux psychologiques, ou par l'installation de schémas de communication inadaptés. Elle s'adresse aussi à toute relation stagnante qui refuse d'évoluer avec ses acteurs. Exemple : couple, amitié.
  • Objectif : Restaurer l'équilibre perdu ou mettre à jour la relation pour qu'elle corresponde à la réalité actuelle des aspirations des acteurs, et particulièrement en matière de bienveillance.
  • Mécanisme : Un audit de bienveillance en utilisant le modèle des 11 dynamiques indissociables comme grille d'analyse. Identifier quelle dynamique est négligée, quelle zone d'attention (Moi, Toi, Relation) est désertée, et comment les jeux de pouvoir ont rompu la réciprocité.
  • Résultat : Une relation qui retrouve un niveau de symétrie plus proche de l'idéal de co-construction, ou qui s'ajuste à une nouvelle réalité partagée.

Glossaire


Concept

Définition

Rôle dans le Modèle

Écologie de la Relation

L'étude et la pratique de la prise en soin du système relationnel dans son ensemble. Elle pose que le lien (la Relation) est une entité vivante, constitutive et indissociable du bien-être des acteurs (Moi et Toi).

Fournit le cadre théorique et la nécessité des trois zones d'attention (Moi, Toi, Relation).

Reconfiguration Bienveillante

Le processus actif et conscient par lequel les acteurs de la relation auditent et redéfinissent leur engagement mutuel. Elle vise à contrer le conservatisme relationnel et se décline en deux formes : Structurelle (pour l'asymétrie inhérente) et Corrective (pour l'asymétrie par dérive ou la stagnation).

La démarche périodique pour maintenir l'Écologie de la Relation en santé, en appliquant les 11 dynamiques pour rétablir une réciprocité d'engagement.

Relation Transformatrice

Le résultat dynamique d'une reconfiguration bienveillante réussie. C'est une relation qui favorise la croissance positive de l'ensemble de l'écosystème. Elle est caractérisée par une bienveillance constante où chaque partie joue sa propre partition pour le bien du lien.

L'objectif final de la bienveillance systémique. Le marqueur d'une relation saine, adaptable et capable de croissance mutuelle.


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