samedi 10 septembre 2022

La bienveillance via la justesse et la fluidité sur quelques verbes cardinaux

En décembre 2018, j'ai publié sur lesverbesdubonheur.fr un diaporama commenté sur les enjeux du bonheur à travers des verbes (cf article contenant le diaporama Les enjeux du bonheur en verbes).

Dans ce diaporama, j'ai essayé de montrer en quoi nous pouvions nous parasiter la vie, voire la gâcher, par insuffisance ou défaut de justesse dans notre façon d'aborder les verbes fondamentaux être, avoir, faire, penser, ressentir, apprécier et reconnaître. Par exemple, assumer "je suis ce que je suis", "j'ai ce que j'ai", et "je fais ce que je fais", et leur translation en négatif ("je ne suis pas ce que je ne suis pas ..."). J'ai abordé ces verbes au passé, au présent et en projection, espérance, planification, ... de l'avenir.

La première partie de ce diaporama évoque le rapport à nous-mêmes et la deuxième le rapport à autrui, avec exactement les mêmes ressorts, les mêmes pièges et les mêmes impacts en terme de bienveillance, de tolérance, de cercle vertueux ou vicieux qui s'entretient. On peut prendre conscience ainsi que le niveau de bienveillance à soi et à autrui sont étroitement liés et qu'il est très très facile de se mettre en stress et de mettre en stress autrui par une forme de rigidité psychologique et comportementale dans la déclinaison quotidienne de ces verbes. 


Voici résumées en 4 images les principales idées en lien avec le présent article, et qui peuvent éclairer en quoi on peut facilement trouver des occasions dans la vie de vivre en tension. Je vous invite à passer à la moulinette vos pensées actuelles pour voir en quoi elles sont des déclinaisons des verbes suivants :






L'enjeu de l'humilité

L'humilité par rapport à ce que l'on est, ce que l'on a et ce que l'ont fait est basée sur la lucidité et l'honnêteté par rapport à ces 3 dimensions. L'humilité se différencie selon moi de la modestie dans la mesure où cette dernière peut aller dans le sens de la sous-estimation. 

Je conçois l'humilité dans le cadre de mon travail de modélisation de la Bienveillance comme la juste et honnête estimation de soi, avec évidemment un questionnement sur le caractère juste de cette estimation, ce qui me fait introduire une mise en abime : pour être humble, il faut être humble sur ses capacités à s'autoestimer de manière juste. Ce qui introduit une notion fondamentale : le droit à l'erreur et sa propre reconnaissance de la fragilité de l'exercice d'humilité

C'est aussi la reconnaissance que la vision sur soi-même est un point de vue qui représente une partie de la réalité. Sachant qu'un défi majeur est de ne pas se raconter des histoires (notamment du fait du poids du regard des autres) puis le cas échéant de ne pas raconter des histoires. 

Une humilité, qui, même si elle est justement jouée, peut être considérée par tel ou tel autour de soi comme de l'arrogance, notamment parce que certains ont une conception de l'humilité qui la fait rimer avec rase-motte et tête baissée.

Ma conviction est au contraire que l'humilité constitue une force indispensable pour cultiver la bienveillance envers soi-même et autrui et faciliter la transparence dans les relations

A l'inverse, 
  • un manque d'estime de soi relève d'un déficit de bienveillance à soi-même, et possiblement aussi envers autrui, quand ce manque est nourri par une pensée jugeante en tout et pour tout ;
  • une surestime de soi, qui va de pair souvent avec la sous-estime d'autrui, entraîne souvent un déficit de bienveillance envers autrui.

Les enjeux de l'acceptation et de l'engagement

Accepter ce que l'on est, ce que l'on n'est pas, ce que l'on a, ce que l'on n'a pas, plus, ce que l'on fait, admettre que l'on n'a pas fait ce que l'on a dit, ... est étroitement lié avec la lucidité et l'honnêteté évoqués précédemment avec l'enjeu de l'humilité.

L'acceptation concerne aussi notre capacité à absorber ce qui est désagréable dans notre vie : nos ressentis difficiles, nos pensées anxieuses, ce qui nous irrite, nos ruminations, le comportement des autres (notamment si on attend de la vie que les autres doivent se comporter comme soi-même), les imprévus, ... Ce qui met en exergue une dimension centrale : l'état d'esprit. Dans quelle disposition se trouve-t-on pour recevoir la chose qui est manifestement désagréable ou s'annonce désagréable ?

Notre cerveau reptilien peut s'avérer super réactif face aux situations auxquelles nous sommes confrontés, et bien souvent il surréagit. Et plus nous tenons compte sans discuter des avertissements du cerveau reptilien, plus cela entretient un cercle vicieux de stress avec un séquencement mis en évidence dans les Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC) : situation >> pensée >> émotion >> comportement >> conséquence. Un séquencement sur lequel je me suis basé pour la conception d'un schéma présenté sur ce site :


La 3ème vague des TCC a donné naissance à une thérapie nommée ACT (Acceptance/Acceptation and Commitment Therapy). 

Une métaphore permet de comprendre un des enjeux de cette thérapie : celle des sables mouvants. La fausse bonne idée dans des sables de mouvants est de vouloir gesticuler dans tous les sens pour s'en sortir. Au contraire, il faut chercher à se mettre en position horizontale à l'image de quelqu'un qui ferait la planche sur le dos dans une piscine pour se relaxer. Autrement dit, l'art de ne pas lutter quand lutter est contreproductif. Ce qui nécessite bien évidemment du discernement.

L'acceptation est donc la capacité à accueillir des choses désagréables pour lesquelles manifestement nos gesticulations, nos évitements sont inutiles voire délétères ou/et ont tendance à renforcer un cercle vicieux. Une acceptation qui ne relève ni de l'abattement ni du fatalisme. Une acceptation qui fait appel à la lucidité et au discernement, et notamment pour considérer successivement :

  • ce qui à notre portée personnellement sans être aidé,
  • ce qui est à notre portée personnellement avec de l'aide,
  • ce qui est à notre portée collectivement,
  • ce qui n'est pas à notre portée.



A noter qu'à côté de la dynamique d'exploration de ce qui est possible (1, 2, puis 3), il peut être aussi envisagé l'articulation d'actions à plusieurs niveaux. Par exemple, par rapport aux enjeux climatiques, il est on ne peut plus efficace d'articuler les 3 niveaux : ce que je peux faire à mon niveau tout seul, ce que je peux faire soutenu par quelqu'un et ce qui peut être fait collectivement.

La deuxième dynamique de la thérapie ACT, l'engagement, vise à soutenir la mise en action et l'expérimentation en alignement avec ce qui nous semble le plus important dans notre vie : nos aspirations les plus profondes, motivantes et stimulantes.
L'idée de Société et de Territoires de la Bienveillance me semble pouvoir entrer en résonance avec les aspirations profondes, les valeurs d'une partie des individus de nos sociétés.

Un engagement qui peut s'articuler autour de l'enchaînement de verbes présentés sur ce site :



Unification ET non confusion

Matthew Crawford dans son livre "L'éloge du carburateur" envisage deux façons de concevoir la vie au travail :
  • les sphères co-dépendantes, où l'individu conçoit vie au travail et vie privée de manière cloisonnée ; la première sphère lui apportant les moyens de pouvoir vivre plus ou moins agréablement la première, avec des façons de penser et de faire qui peuvent complètement différer d'une sphère à l'autre. Au travail, "je suis un autre homme/ une autre femme" est une formulation qui peut en partie illustrer cette vision de la vie ;
  • la vie intégrée, où l'individu est lui-même, le même et authentique dans ses différentes sphères de vie (à ne pas confondre avec la vie d'une personne qui ferait complètement abstraction des frontières).
Pouvoir se sentir unifié, se sentir aligné avec ses valeurs, tenir ses engagements, exprimer son libre-arbitre indépendamment de sa sphère de vie et de ses relations facilite grandement la culture de la bienveillance.

Pour autant, il faut prendre garde à ne pas confondre unification et confusion ou assimilation. C'est par exemple le cas entre les verbes "penser" et "être" : la fusion/confusion entre les deux est souvent délétère notamment quand on connaît l'existence d'études montrant que 80% de nos pensées sont "négatives". S'assimiler à toutes les pensées que l'on a est un risque majeur pour la bienveillance envers soi-même et autrui.

Un autre risque est de s'assimiler (verbe "être") : 
  • à ce que l'on fait ou que l'on ne fait pas,
  • à ce que l'on a (possède) ou que l'on n'a pas,
  • à une partie de ce qu'on est (apparence, capacités physiques, intellect, santé, orientation sexuelle, religion, ...),
  • à l'image que les autres projettent sur nous.
Un des outils de la thérapie ACT est la défusion qui permet de travailler les pensées d'assimilation envers soi-même et autrui génératrices de comportements inadéquats. Ma conviction est qu'un tel travail, et plus globalement tous les axes de travail de cette thérapie, améliorent non seulement la flexibilité psychologique (enjeu global de la thérapie ACT) mais contribuent aussi à mettre plus de bienveillance dans la vie. Faisant ainsi de cette thérapie une inspirante source pour le développement personnel.

Les bienfaits de la gratitude et de la reconnaissance

"Etre", "Avoir" et "Faire" se développent incontestablement grâce aux interactions avec les autres et à la nature interdépendante de nos vies. En prendre conscience, ressentir puis exprimer de la gratitude font partie intégrante de la culture de la bienveillance selon le processus représenté dans l'image ci-dessous et décrit dans l'article dédié Edition N°2 de deux schémas sur le processus de gratitude :




Par ailleurs, pouvoir se reconnaître dans ce qu'on fait, ce qu'on a et ce qu'on est un enjeu primordial au même titre que reconnaître autrui dans ce qu'il fait, ce qu'il a et ce qu'il est. Une reconnaissance qui peut prendre de nombreuses formes. Je vous invite à prendre connaissance des 15 gestes de reconnaissance au quotidien pour une société de la bienveillance que j'ai publiés sur lesverbesdubonheur.fr.



Justesse et fluidité

Notre cerveau reptilien à l'image d'un radar déréglé alertant à tout va, la force considérable de notre striatum, le piège des biais cognitifs, les croyances limitantes, le déficit d'enseignement de la psychologie, la culture du faire et de l'excellence, ... sont autant de facteurs qui nous font vivre du stress inutilement et souvent dans une logique perdant-perdant.

Aborder nos pensées, émotions, ressentis, comportements et leurs conséquences en jouant avec justesse et fluidité les verbes cardinaux être, avoir, faire, penser, ressentir, apprécier et reconnaître nous permet d'être plus bienveillant dans les 4 dimensions de ma modélisation de la bienveillance (la bienveillance comme objectif) :




Et réciproquement, la justesse et fluidité ces verbes cardinaux est facilitée en les mettant en œuvre dans la bienveillance (la bienveillance dans le "comment").


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Article épinglé

Problème DE bienveillance et AVEC la bienveillance

  Voici un bref constat en deux points sur ce qui ne va pas selon moi avec la bienveillance actuellement dans notre société. Avant d'en ...

Articles les plus consultés