jeudi 13 octobre 2022

Une équation pour une Société et des Territoires de la Bienveillance

Je propose dans la présente publication une équation mettant en jeu 5 ingrédients pour investir la bienveillance, aussi bien individuellement que collectivement, dans l'idée de cheminer vers la Société et des Territoires de la Bienveillance dont j'ai lancé l'idée :


Le même schéma est aussi disponible en version pdf.

L'ordre dans lequel sont donnés les ingrédients a toute son importance. Comment bâtir une Société et des Territoires de la Bienveillance sans considérer en premier lieu la tolérance


La tolérance

Une tolérance qui fait sortir de l'égocentrisme et considérer que les autres peuvent penser, faire, vivre différemment que nous-mêmes (individuellement ou collectivement). Une tolérance qui s'exerce avec discernement pour être en capacité d'identifier l'intolérance d'autrui et donc de faire une exception à la tolérance : l'intolérance de l'intolérance. En ce sens, cette exception a nourri la 3ème de 3 grandes motivations de la bienveillance : signaler et dénoncer le mal


La tolérance qui permet d'apprécier la diversité des façons de penser, de s'exprimer, de décider, de partager, de gérer les tensions, de faire, ... Une tolérance qui permet d'enrichir ses propres façons de vivre ou tout simplement d'observer que l'on peut faire différemment et que ça marche aussi, et tant mieux. La tolérance peut même conduire à l'admiration (cf 5ème ingrédient).

Le frein à la tolérance est la comparaison. Elle conduit souvent au jugement ("Pourquoi tu ne fais pas comme moi alors que c'est moi qui suis dans le vrai ?" - vision binaire). Il y a aussi la projection ("Moi à ta place, je ferais ..." ) avec une fausse bonne conscience d'avoir été dans l'empathie sous prétexte de s'être mis à la place de l'autre, ce qui constitue un piège classique et redoutable. Pourquoi ? Parce qu'en réalité, on s'est projeté superficiellement dans le vie des autres avec ses propres façons de penser et de faire.

Plus de tolérance économiserait une quantité astronomique de tensions intrapersonnelles (intérieures), interpersonnelles (toi et moi) et collectives (entre nous, ou entre collectifs ou communautés) à l'échelle de la planète. L'intolérance peut parasiter largement les pensées et l'attention avec des conséquences émotionnelles et comportementales renforçant un cercle vicieux. A l'inverse, la tolérance s'inscrit dans un cercle vertueux. C'est ce que le schéma suivant décrit :




En un mot : la tolérance, c'est "reposant" pour tous les esprits au-delà de sa contribution à la culture de la bienveillance.

L'interdépendance

Force est de constater que depuis l'ère industrielle, avec une accélération depuis une vingtaine d'années, peu de personnes peuvent réellement se considérer comme autonomes. Du lever du matin jusqu'au coucher, entre les matériels électriques, l'accès à l'eau potable, le transport, les biens alimentaires et les biens de consommation, les services publics et privés, ... nous dépendons les uns des autres et bien plus que les générations précédentes. Et d'ailleurs, combien d'entre nous sauraient survivre sans les biens et services, et notamment dans les villes ? Et quelques fois, on se trouve pieds et mains liés à des fournisseurs qui ont des monopoles. 

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le constat est ambivalent. Mais dans cette ambivalence, on peut en extraire des enseignements, des prises de consciences qui peuvent nous amener à plus :

  • d'humilité, bien loin de l'idée de "Je n'ai besoin de personne", voire du "Je me suis fais tout seul" ; cette humilité est basée sur la lucidité
  • de gratitude que nous pouvons toutes et tous avoir à l'occasion de gestes du quotidien : l'eau pour la douche le matin, l'électricité pour la cafetière, le café moulu ou en grain, la baguette de pain du boulanger qui s'est levé bien avant l'aurore, ...
  • de vision holistique du monde dans lequel nous vivons, avec la compréhension que notre vitalité et notre bien-être est indissociable de la vitalité et du bien-être des membres des écosystèmes dans lesquels nous vivons, des plus proches et connus, aux plus éloignés et inconnus.
Le sentiment d'interdépendance peut être source de (plus de) joie de vivre, d'appréciation et de gratitude envers tout ce et ceux qui contribuent à nous faciliter la vie. C'est relié directement avec le 5ème ingrédient.

L'attention et l'altruisme

On en au cœur de la bienveillance (cf la bienveillance en 2 mots) avec l'attention et l'altruisme : porter attention et prendre soin.

Une bienveillance qui peut se concevoir en 4 dimensions indissociables et réplicables :


Ces 4 dimensions permettent de considérer la bienveillance à soi-même, à l'autre (interpersonnel) et aussi la bienveillance envers les écosystèmes d'appartenance.

Comme le montre le schéma suivant, la bienveillance est entendue dans une logique de réciprocité. Il s'agit ici de montrer la réciprocité au sein d'une cellule familiale. La même logique joue aussi dans le monde du travail : je contribue à mon collectif de travail et j'attends aussi que mon collectif prenne soin de moi.


Constater, ressentir que des personnes, des collectifs, des communautés prennent soin de soi, c'est appréciable, précieux et source de gratitude et de réciprocité (lien avec le 5ème terme).

La coopération

Contribuer de manière bienveillante dans les différentes dimensions évoquées précédemment, relève de choses qui sont à notre portée seul(e). D'autres choses ne sont pas à notre portée individuellement. Et c'est là que s'offre à nous les opportunités de coopération qui permettront notamment de sortir quelques fois d'un sentiment d'impuissance solitaire : je ne peux rien tout seul, je m'en désole ... mais en communiquant autour de moi, je peux m'apercevoir qu'on peut agir à plusieurs.

Il s'agit ici de coopération ouverte. Ouverte dans le sens où il ne s'agit pas d'un mode compétitif, exclusif, défensif contre d'autres coopérations, mais d'un mode où il y a inter-coopération avec les autres collectifs et communautés. Ouverte aussi dans le sens où la porte est ouverte à celles et ceux qui partagent le projet et les valeurs. Ouverte, enfin, car nul ne doit se sentir obligé d'y rester, soit par la pression du collectif, soit par son propre surengagement et un investissement dans lequel il se perd soi-même, et notamment sa santé. 

Un des enjeux importants de bienveillance est que le collectif ou la communauté soit en mesure de prendre soin des membres qui y contribuent et cultive aussi la singularité : le projet est commun, mais chaque membre est reconnu et considéré dans ce qu'il est, ce qu'il fait, l'énergie qu'il donne, ...

Coopérer est rarement idyllique. Il faut savoir se donner du temps pour construire la coopération, la cultiver en s'assurant d'un accord suffisant entre les valeurs individuelles et les valeurs du collectif ou de la communauté. Il faut penser les tensions comme faisant partie de la vie norme d'un groupe et mettre en place des processus pour y faire face paisiblement et de manière déterminée (Vs laisser pourrir les situations).

Coopérer comporte donc ses difficultés, ses côtés ambivalents, mais il y a beaucoup à apprécier, à valoriser, à jouer à l'intérieur du collectif ou de la communauté pour distribuer et recevoir de la reconnaissance, de la gratitude (à relier avec le prochain et dernier terme de l'équation).

La gratitude, la reconnaissance et la valorisation

Pour chacun des termes précédents de cette équation, j'ai évoqué les opportunités d'appréciation, de gratitude et de reconnaissance.

On peut considérer que gratitude, reconnaissance et valorisation constituent le carburant de la Société et des Territoires de la Bienveillance que je promeus.

La gratitude est absolument déterminante, et déjà parce qu'il faut la voir en premier lieu comme une émotion positive, une émotion qui fait du bien et peut même circuler le long de la moelle épinière quand elle est très intense. J'ai consacré une modélisation à la gratitude présentée dans l'article Edition N°2 de deux schémas sur le processus de gratitude, et résumée dans le schéma suivant :


Se donner du temps pour la bienveillance

Il apparaît dans le schéma précédent une condition centrale à la gratitude : le temps. Se donner du temps pour porter son attention aux choses agréables qui nous arrive, pour apprécier, pour attribuer, pour ressentir, pour exprimer, ...

Ce même enjeu est central pour la culture de la bienveillance et pour jouer correctement les 5 termes de cette équation :
  • Tolérance : du temps pour apprendre à connaître l'autre et ce qui est différent de nous, ce qui nous permettra plus facilement de l'apprécier.
  • Interdépendance : du temps pour comprendre les processus qui conduisent les produits et services entre nos mains, les impacts à court, moyen et long terme, les coûts écologiques et sociaux, .... Du temps pour construire une vision holistique et appréhender les enjeux gagnant-gagnant
  • Attention et altruisme : du temps pour porter attention à ce qui est précieux et vraiment important (Vs nous laisser voler notre attention pour des choses futiles) et pour aider, réparer, préserver, ...
  • Coopération : du temps pour construire des coopérations ouvertes, vraiment démocratiques et bienveillantes envers ses membres.
  • Gratitude, reconnaissance et valorisation : du temps pour donner des feedbacks, remercier, reconnaître les personnes, ce qu'elles font, l'énergie qu'elles déploient, valoriser les bonnes pratiques, ...
Et quand on ne se donne pas vraiment le temps, aucun de ces 5 termes ne peut être investi de manière pleine et durable. J'ai pu malheureusement le constater de nombreuses fois autour de moi, y compris dans des projets dont l'essence semblait clairement bienveillante à tous, mais qui en réalité dérapent dans le comment, par faute de temps et d'appropriation insuffisante de l'enjeu de la bienveillance.

Alors, donnons-nous du temps pour explorer et vivre pleinement chacun des 5 termes de cette équation, individuellement dans nos différentes sphères de vie, et collectivement.





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